Arrêt du Conseil d'État (statuant au contentieux, 7°/10° sous-sections réunies) du 14/01/1998 n° 160138 et 160432 COMMUNE DE TOULON ET COMPAGNIE DES EAUX ET DE L'OZONE

(...)

Vu, 1°) sous le n° 160138, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 18 juillet et 18 novembre 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'État, présentés pour la commune de Toulon, représentée par son maire en exercice ; la commune de Toulon demande au Conseil d'État :
1°) d'annuler le jugement du 17 mai 1994 par lequel le tribunal administratif de Nice a, d'une part, annulé la décision implicite du maire de Toulon rejetant la demande de l'Office public départemental d'habitations à loyer modéré du Var tendant à ce que le maire fasse respecter par le concessionnaire l'article 6 du règlement du service d'eau potable et a, d'autre part, condamné la ville à verser à l'office la somme de 4 000 F au titre de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2°) de rejeter la demande de l'Office public départemental d'habitations à loyer modéré du Var ;
3°) de condamner l'Office à lui verser la somme de 12 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu, 2°) sous le n° 160432, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 27 juillet et 28 novembre 1994, au secrétariat du Contentieux du Conseil d'État, présentés pour la Compagnie des eaux et de l'ozone, représentée par ses dirigeants légaux en exercice ; la société demande au Conseil d'État :
1°) d'annuler le jugement du 17 mai 1994 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé la décision implicite du maire de Toulon rejetant la demande présentée par l'Office public départemental d'habitations à loyer modéré du Var et tendant à ce que le maire fasse respecter par son concessionnaire l'article 6 du règlement du service de l'eau potable ;
2°) de rejeter la demande de l'Office public départemental d'habitations à loyer modéré du Var ;

Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code des communes ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M Édouard Philippe, Auditeur,
- les observations de Me Baraduc-Benabent, avocat de la commune de Toulon et de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de la Compagnie des eaux et de l'ozone (CEO SA),
- les conclusions de M Savoie, Commissaire du gouvernement ;
 

Considérant que la requête n° 160138, introduite par la commune de Toulon et la requête n° 160432, introduite par la Compagnie des eaux et de l'ozone, présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision ;

Considérant que l'Office public départemental d'habitations à loyer modéré du Var, maître d'ouvrage du groupe d'immeubles collectifs "La Cigalière", a demandé au maire de Toulon d'enjoindre à la Compagnie des eaux et de l'ozone, à laquelle la commune de Toulon avait confié l'exploitation par affermage du service de distribution d'eau potable, de respecter l'article 6 du règlement annexé au contrat d'affermage en acceptant que des abonnements individuels fussent souscrits avec les locataires de ces immeubles, alors que la compagnie entendait qu'il y eût seulement un abonnement collectif au nom de l'office public propriétaire ; que la décision née du refus implicite du maire, qui a trait à l'organisation du service, est détachable des rapports de droit privé existant entre le gestionnaire du service public à caractère industriel et commercial et ses usagers ; qu'il appartenait dès lors, contrairement à ce que soutient la commune, au tribunal administratif d'en connaître ; qu'en outre l'office avait un intérêt lui donnant qualité à attaquer ce refus devant le juge de l'excès de pouvoir et était recevable à invoquer tout moyen à son encontre ;

Considérant qu'aux termes de l'article 5 du règlement du service de distribution d'eau potable de la commune de Toulon : "Un branchement sera établi pour chaque immeuble. Pour les immeubles collectifs l'eau est normalement fournie par un compteur général qui doit être posé à la limite du domaine public, accessible à tout moment aux agents du service. Lorsque des compteurs individuels existent, ils sont pris en charge par le service et font l'objet d'abonnements individuels " et qu'aux termes de l'article 6 : "Les abonnements sont accordés aux propriétaires et usufruitiers des immeubles, ainsi qu'aux locataires ou occupants de bonne foi " ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte de ces dispositions que tous les habitants de la commune, quelle que soit la nature, individuelle ou collective, de l'immeuble occupé ont également droit, en qualité de propriétaire, usufruitier, locataire ou occupant de bonne foi à souscrire un abonnement individuel, sous la seule réserve de l'existence de compteurs individuels ; que contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il en va ainsi notamment pour les immeubles dotés de compteurs individuels postérieurement à l'établissement du règlement précité ;

Considérant, d'autre part, qu'il ressort sans ambiguïté des pièces du dossier que la demande de l'office public tendait, non à ce que le fermier assumât le coût de la mise en place des compteurs individuels mais seulement à ce qu'il acceptât de souscrire des abonnements individuels pour les appartements dotés de tels compteurs ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Toulon et la Compagnie des eaux et de l'ozone ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé pour excès de pouvoir la décision implicite du maire de Toulon refusant de faire respecter par le fermier le règlement du service des eaux ;

 

Sur l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Office public départemental d'habitations à loyer modéré du Var , qui n'a pas la qualité de partie perdante, soit condamné à verser à la commune de Toulon la somme de 12 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

 

 

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes susvisées de la commune de Toulon et de la Compagnie des eaux et de l'ozone sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la commune de Toulon, à la Compagnie des eaux et de l'ozone, à l'Office public départemental d'habitations à loyer modéré du Var et au ministre de l'intérieur.