Arrêt du Conseil d'État du 11/03/1977 n° 99052 COMMUNE D'ACHEN c/ Monsieur X...

Messieurs Racine, rapp. ; Martin Laprade, c. du g. ; Me Nicolas, av.

 

REQUÊTE de la COMMUNE D'ACHEN (Moselle) tendant à l'annulation du jugement du 31 janvier 1975 du Tribunal administratif de Strasbourg qui a déclaré sans fondement le commandement notifié au Monsieur X... pour avoir paiement d'une somme de 250 F pour branchement au réseau d'assainissement et a accordé à ce dernier décharge de ladite somme ;

Vu l'ordonnance n° 58-1004 du 23 octobre 1958 ; le code de la santé publique ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; le code des tribunaux administratifs ; le décret n° 66-624 du 19 août 1966 ; le code général des impôts ;

 

Considérant que la COMMUNE D'ACHEN (Moselle) a fait procéder au cours des années 1972 et 1973 à l'extension de son réseau d'assainissement en vue de réaliser le branchement à ce réseau de plusieurs immeubles situés dans un lotissement communal et au nombre desquels se trouvait celui du Monsieur X... ; que, par une délibération en date du 23 décembre 1972, le conseil municipal de la COMMUNE D'ACHEN a décidé de faire payer pour chaque branchement le forfait de 500 F payable en deux fois, le 30 juin 1973 et le 30 juin 1974 ; ce forfait sera payé par chaque propriétaire dont l'immeuble est ou peut être branché à la canalisation ; qu'en application de cette délibération, le maire de la COMMUNE D'ACHEN a émis le 10 juillet 1973 à l'encontre du Monsieur X... un titre de recette pour avoir paiement d'une somme de 250 F ; que le Monsieur X... a refusé d'acquitter cette somme ; que le titre de recette susmentionné a été rendu exécutoire le 30 octobre 1973 ; qu'après avoir formé, contre le commandement qui lui a été signifié, une opposition qui a été rejetée par le trésorier payeur général de la Moselle, le Monsieur X... a saisi du litige le Tribunal administratif de Strasbourg ; que, par un jugement en date du 31 janvier 1975, dont la COMMUNE D'ACHEN fait appel, le tribunal administratif a accordé la décharge de la somme figurant sur le commandement ;

 

Sur la compétence de la juridiction administrative :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le Monsieur X... demandait la décharge de la somme dont il avait été déclaré recevable et dont le commandement visait à assurer le recouvrement ; que ses prétentions ne concernaient pas la régularité des actes de poursuites ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient la COMMUNE D'ACHEN, la juridiction administrative est compétente pour connaître de ce litige ;

 

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'il ressort du dossier que la COMMUNE D'ACHEN a été invitée le 16 janvier 1974 à présenter ses observations dans un délai de quatre mois ; que le maire a le 11 mars 1974 déposé devant le tribunal administratif un mémoire mais n'a pas, comme les textes en vigueur l'exigeaient, produit une délibération du conseil municipal, l'autorisant à défendre au pourvoi ;

Mais considérant que si, de ce fait, la commune ne s'est pas trouvée régulièrement représentée devant le tribunal administratif celui-ci ayant été saisi par le maire d'observations écrites sous sa signature marquant son intention de ne pas laisser le jugement intervenir par défaut à l'égard de la commune, aurait dû, dans ces circonstances, inviter le maire à produire une délibération du conseil municipal l'autorisant à défendre au pourvoi ; que dès lors la requérante est fondée à soutenir qu'en statuant, comme il l'a fait, sur la demande du Monsieur X... dirigée contre elle, sans que le maire ait été invité à régulariser la défense qu'il entendait faire valoir au nom de la commune, le tribunal administratif a entaché le jugement attaqué d'un vice de procédure qui doit entraîner son annulation ;

Considérant que l'affaire est en état ; qu'il y a lieu pour le Conseil d'État d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande du Monsieur X... devant le tribunal administratif ;

 

Sur la recevabilité de la demande introductive d'instance :

Considérant que si la commune soutient que la procédure de déclaration de nullité de droit prévue par les articles 42 et 44 du code de l'administration communale n'a pas été respectée par le Monsieur X... avant que celui-ci saisisse le tribunal administratif, il ressort des pièces du dossier que le Monsieur X... ne fonde pas ses prétentions sur l'illégalité de la délibération du conseil municipal en date du 23 décembre 1972 ; qu'au surplus les dispositions des articles 42 et 44 du code de l'administration communale, ne sont pas applicables dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ;

 

Au fond :

Considérant que, tant par la délibération du 23 décembre 1972, que la décision concernant le Monsieur X... sont fondées sur les articles L. 33 et suivants du code de la santé publique issus de l'ordonnance n° 58-1004 du 23 octobre 1958 relative au raccordement obligatoire des immeubles aux réseaux d'égouts ; que, parmi ces dispositions, les unes autorisent les communes à se faire rembourser tout ou partie des dépenses entraînées par les travaux de raccordement des immeubles aux réseaux d'égouts, les autres permettent d'astreindre les propriétaires des immeubles édifiés postérieurement à la mise en service de l'égout auquel ces immeubles doivent être raccordés à verser une participation couvrant une partie du coût de l'ouvrage ; qu'il s'agit, dans tous les cas, ainsi que le précise l'article L. 33, du raccordement à des égouts disposés pour recevoir les eaux usées domestiques et établis sous la voie publique ; que l'article L. 35-2 dispose que, dès l'établissement du branchement, les fosses et autres installations de même nature seront mises hors d'état de servir ou de créer des nuisances à venir ; que l'article L. 35-4 précise que la participation exigée des propriétaires d'immeubles nouvellement édifiés se justifie par l'économie qu'ils réalisent en évitant une installation d'évacuation ou d'épuration individuelle réglementaire ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions, que leur application suppose l'existence d'un égout conçu et réalisé pour recevoir directement les eaux usées provenant des immeubles desservis ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté qu'à la date à laquelle la somme litigieuse a été mise à la charge du Monsieur X..., il était interdit à ce dernier de déverser des eaux usées dans le réseau d'assainissement auquel son immeuble était raccordé sans les avoir fait passer préalablement dans une installation individuelle d'épuration ; qu'ainsi, le Monsieur X... ne bénéficiait pas d'un raccordement à l'égout au sens des dispositions législatives précitées ; que, par suite, la commune n'était fondée à mettre à sa charge aucune somme à ce titre ; qu'il y a lieu, dès lors, d'accorder au Monsieur X... la décharge qu'il demande ;

 

(Annulation ; décharge ; rejet du surplus)