CIV. 1

COUR DE CASSATION

Audience publique du 27 juin 2000

Monsieur LEMONTEY, président

Pourvoi n° P 98-18.597

I.G

 

Cassation

Arrêt n° 1195 FS-P+B

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant:

Sur le pourvoi formé par la SOCIÉTÉ VIVENDI
anciennement dénommée la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX (CGE)
dont le siège est 42, avenue Friedland, 75 380 Paris, cedex 8 ;

en cassation d'un jugement rendu le 29 juin 1998 par le tribunal d'instance de Metz, au profit de Monsieur Guilhermin X... ;
défendeur à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 23 mai 2000, où étaient présents,Monsieur Lemontey, président, Monsieur Bargue, conseiller rapporteur, Messieurs Renard-Payen,Ancel, Durieux, Madame Bénas, Messieurs Guérin, Sempère, conseillers, Mesdames Barberot, Cassuto-Teytaud, Catry, conseillers référendaires, Madame Petit, avocat général, Madame Collet, greffier de chambre;

Sur le rapport de Monsieur Bargue, conseiller, les observations de la SCP Vieret Barthélémy, avocat de la SOCIÉTÉ VIVENDI, les conclusions de Madame Petit, avocat général, et après avoir délibéré conformément à la loi ;

Donne défaut contre Monsieur Guilhermin X... ;

 

Sur le moyen unique pris en sa deuxième branche :

Vu l'article L. 2224-7 du Code des collectivités territoriales ;

Attendu que, selon ce texte, tout service chargé en tout ou partie de la collecte, du transport ou de l'épuration des eaux usées constitue un service d'assainissement ;

Attendu que la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX (CGE), devenu la SOCIÉTÉ VIVENDI, exploite en qualité de fermier le service public de l'assainissement du Syndicat intercommunal de la vallée de l'Orne (SIAVO), regroupant onze communes du département de la Moselle ; qu'un certain nombre d'usagers, dont Monsieur Guilhermin X..., ayant refusé de payer la redevance d'assainissement réclamée par la SOCIÉTÉ VIVENDI, le tribunal d'instance de Metz lui a enjoint de payer le montant réclamé;

Attendu que pour faire droit à l'opposition formée contre cette ordonnance, le tribunal d'instance a retenu que l'installation existante, soit le bassin d'orage et le collecteur des eaux usées, n'étant raccordée à aucune station d'épuration et se déversant dans l'Orne, ne pouvait s'analyser comme un réseau d'assainissement ;

Attendu qu'en statuant ainsi, le tribunal d'instance a violé, par fausse interprétation, le texte susvisé ;

 

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen ;

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 29 juin 1998, entre les parties, par le tribunal d'instance de Metz ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avantledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Thionville ;

Condamne Monsieur Guilhermin X... aux dépens ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt sept juin deux mille.

 

 

 

Moyen produit au pourvoi n° P 98-18.597 par la SCP Vier et Barthélémy, avocat aux Conseils pour la SOCIÉTÉ VIVENDI.

MOYEN ANNEXÉ à l'arrêt n° 1195          (CIV 1)

 

MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche au jugement attaqué d'AVOIR débouté l'exploitant d'un service d'assainissement de la demande tendant à ce qu'un usager de ce service soit condamné à payer la redevance d'assainissement ;

 

AUX MOTIFS QUE la présente décision ne tend pas à annuler la décision prise par le SIAVO, syndicat intercommunal, mais à trancher le litige entre le service public et un usager pris enparticulier ; que la taxe d'assainissement est par nature une redevance pourservice rendu et non pas une redevance fiscale ; qu'elle n'est due que sielle a pour contrepartie l'existence effective et actuelle d'un réseaud'assainissement ; que les pièces produites démontrent qu'aucunréseau d'assainissement, bien que le projet de raccordement àla station d'épuration de RICHEMONT soit acquis au sein du SIAVO,n'a encore été construit au bénéfice des habitantsde la commune de MALANCOURT-LA-MONTAGNE ; que le courrier adresséle 24 septembre 1997 par la CGE elle-même au défendeur tendà confirmer que la surtaxe litigieuse est précisémentdestinée à financer la réalisation future des travauxde raccordement à la station de RICHEMONT ; que pour l'heure l'installationexistante, soit le bassin d'orage et le collecteur des eaux uséesse déversant dans l'ORNE, ne peut s'analyser comme un réseau d'assainissement ;

 

ALORS QUE, d'une part, l'article L. 33 du code de la santépublique dispose que le raccordement des immeubles aux égouts disposés pour recevoir les eaux usées domestiques et établis sous la voie publique à laquelle ces immeubles ont accès est obligatoire ; qu'aux termes de l'article L. 2224-7 du code général des collectivités territoriales "tout service chargé en tout ou partie de la collecte, du transport ou de l'épuration des eaux usées constitue un service d'assainissement" ; que l'article L. 2224-12 du même code institue la redevance due par les usagers de ce service et que l'article R. 372-6 du code des communes ajoute : "tout service public d'assainissement (...) donne lieu à la perception de redevances d'assainissement établies dans les conditions fixées par les articles R. 372-7 à R. 372-18" ; qu'il résulte de ces dispositions combinées que les redevances d'assainissement sont dues par toute personne rattachée à un réseau d'assainissement, du seul fait de ce rattachement au réseau, en contrepartie de l'avantage qu'elle trouve à pouvoir rejeter ses eaux usées sans avoir à les assainir ; qu'il ressort des énonciations du jugement attaqué et qu'il n'a d'ailleurs pas été contesté que l'immeuble occupé par Monsieur Guilhermin X... est rattaché au réseau ; que Monsieur Guilhermin X... est donc usager du service de l'assainissement ; qu'il est redevable en cette qualité de la redevance d'assainissement prévue à l'article R. 372-6 du code des communes, laquelle trouve sa contrepartie dans la possibilité qui lui est donnée de déverser ses eaux usées dans un collecteur ; qu'en refusant néanmoins de condamner cet usager à verser à l'exploitant du service le montant de la redevance d'assainissement, le tribunal d'instance n'a pas déduit de ses constatations les conséquences qui s'en évinçaient légalement et a violé par refus d'application les articles L. 2224-7 et L. 2224-12 du code général des collectivités territoriales et R. 372-6 du code des communes ;

 

ALORS QUE d'autre part il résulte encore des textes précités que tout service public d'assainissement donne lieu à la perception de redevances et que tout service chargé en tout ou partie de la collecte, du transport ou de l'épuration des eaux usées constitue un service d'assainissement ; que ces dispositions ne subordonnent pas l'exigibilité de la redevance à un réseau d'assainissement relié à une station d'épuration ; qu'en refusant de condamner un usager à payer la redevance d'assainissement au motif qu'il n'y aurait pas à MALANCOURT de réseau d'assainissement et que l'installation existante ne peut s'analyser comme telle et en se déterminant ainsi par un motif inopérant au regard des textes précités qui ne mentionnent ni ne définissent le "réseau d'assainissement" et ce bien qu'il eût constaté l'existence d'équipements assurant au moins en partie le transport et la collecte des eaux usées, le tribunal d'instance a violé par fausse interprétation et refus d'application les articles L. 2224-7 et L. 2224-12 du code général des collectivités territoriales et R. 372-6 du code des communes ;

 

ALORS QUE, de troisième part, aux termes de l'article R. 372-8 du code des communes auquel renvoie l'article R. 372-6 précité du même code, la redevance d'assainissement est assise sur le volume d'eau prélevé par l'usager du service d'assainissement ; qu'ainsi la redevance d'assainissement ne dépend pas des conditions dans lesquelles sont assurées la collecte, le transport ou l'épuration des eaux usées, mais seulement du volume d'eau déversée à l'égout par l'usager ; qu'en déduisant de la circonstance que le réseau ne serait pas relié à une station d'épuration, alors qu'elle ne faisait pas obstacle à ce que l'usager y déversât ses eaux usées, l'absence de justification de la redevance, le tribunal d'instance a violé derechef par fausse interprétation et refus d'application les dispositions susmentionnées du code des communes ;

 

ALORS QUE, de quatrième part, l'article R. 372-7 du même code, auquel renvoie aussi l'article R. 372-6, dispose que l'assemblée délibérante de l'établissement public qui exploite ou concède le service d'assainissement institue la redevance d'assainissement et en fixe le tarif ; qu'en refusant cependant de condamner un usager du service d'assainissement affermé par le Syndicat intercommunal de la vallée de l'ORNE, le tribunal d'instance a violé par refus d'application tant les articles R. 372-6 et R. 372-7 du code des communes que les délibérations par lesquelles le comité du Syndical a institué la redevance d'assainissement et en a fixé le montant ;

 

ALORS QU'enfin si les tribunaux de l'ordre judiciaire sont compétents pour connaître des litiges qui surviennent entre l'usager d'un service industriel et commercial et l'exploitant de ce service, ils ne peuvent apprécier la légalité des actes administratifs qui instituent les redevances dues par les usagers et qui en fixent le tarif ou les tenir pour nuls ; qu'il leur appartient alors de surseoir à statuer et de saisir la juridiction administrative, seule compétente, d'une question préjudicielle ; qu'en retenant cependant sa compétence pour trancher la question de savoir si, bien qu'instituée par des délibérations du comité du Syndicat intercommunal d'assainissement de la vallée de l'ORNE, la redevance d'assainissement était justifiée dans son principe, le tribunal d'instance a violé les loi des 16 et 24 août 1790, ensemble le décret du 16 fructidor an III et méconnu le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires.