Avis du Conseil d'État (section du contentieux, 8e sous-section) du 13 mars 1998 n° 190751

Vu, enregistré le 17 octobre 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le jugement du 2 octobre 1997 par lequel le tribunal administratif de Lille, avant de statuer sur la demande de Madame X... tendant à ce que le tribunal enjoigne sous astreinte au district de Montreuil-sur-Mer de lui rembourser les redevances d'assainissement qui lui ont été réclamées sur le fondement d'une délibération annulée par le tribunal par un jugement du 9 juin 1994, a décidé, par application des dispositions de l'article 12 de la loi du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen la question suivante : << Le juge administratif peut-il en tant que juge de l'exécution ordonner par voie d'injonction une mesure relevant normalement de la compétence du juge judiciaire ? >> ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des communes ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, et notamment son article L. 8-4 ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, et notamment son article 12 ;
Vu le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963, modifié par le décret n° 88-905 du 2 septembre 1988 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle Mignon, auditeur ;
- les observations de Me Hennuyer, avocat du district de Montreuil-sur-Mer ;
- les conclusions de Monsieur Bachelier, commissaire du Gouvernement,

Rend l'avis suivant :

I. - L'article L. 8-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, issu de la loi du 8 février 1995 susvisée, dispose : << Lorsqu'un jugement ou un arrêt implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure, assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution, par le même jugement ou le même arrêt.

<< Lorsqu'un jugement ou un arrêt implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public doit à nouveau prendre une décision après une nouvelle instruction, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel, saisi de conclusions en ce sens, prescrit par le même jugement ou le même arrêt que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. >>

L'article L. 8-3 de ce code, issu de la même loi, prévoit que cette injonction peut être assortie d'une astreinte.

L'article L. 8-4 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, également issu de la loi du 8 février 1995 susvisée, dispose : << En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt définitif, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution.

<< En cas d'inexécution d'un jugement frappé d'appel, la demande d'exécution est adressée à la juridiction d'appel.

<< Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. >>

II. - 1. Dans tous les cas où un jugement de tribunal administratif a fait l'objet d'un appel et alors même que cet appel a été rejeté par la juridiction d'appel, cette dernière est seule compétente pour prononcer les mesures qu'implique l'exécution du jugement.

2. S'il appartient à l'autorité administrative de tirer toutes les conséquences du jugement par lequel un acte réglementaire a été annulé, l'exécution de ce jugement n'implique pas que le juge, saisi sur le fondement des dispositions de l'article L. 8-4 précitées, enjoigne à l'administration de revenir sur les mesures individuelles prises en application de cet acte. Il s'ensuit notamment que ce juge n'a pas à ordonner le remboursement d'une somme perçue sur le fondement d'une délibération à caractère réglementaire annulée pour excès de pouvoir.

3. Le pouvoir conféré par la loi au juge administratif, de prononcer à l'égard des personnes morales de droit public ou des organismes de droit privé chargés de la gestion d'un service public des injonctions, éventuellement assorties d'astreintes, aux fins d'assurer l'exécution de ses décisions, ne l'autorise pas à s'affranchir des règles de répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction.

S'il appartient au juge administratif de connaître des recours pour excès de pouvoir dirigés contre les délibérations par lesquelles les collectivités ou les établissements publics qui exploitent ou concèdent le service d'assainissement instituent la redevance et en fixent le tarif, il n'est pas compétent pour enjoindre la restitution d'une somme mise à la charge d'un usager et qui constitue la rémunération des prestations d'un service public industriel et commercial.

Le présent avis sera notifié au président du tribunal administratif de Lille, à Madame X..., au district de Montreuil-sur-Mer et au ministère de l'intérieur.

Il sera publié au Journal officiel de la République française.