CIV. 1

COUR DE CASSATION
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Audience publique du 3 novembre 1999

Monsieur LEMONTEY, président

Pourvoi n° R 98-21.635

M.F.

 

 

Rejet

 

Arrêt n° 1756

P sur le 2e moyen

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :
1/ Association des Consommateurs de la Fontaulière (ACF)
2/ à 11/ : noms d'usagers de l'eau

en cassation d'un arrêt rendu le 2 septembre 1998 par la cour d'appel de Nîmes (1re Chambre, Section A), au profit de al société en nom collectif Compagnie de services et d'environnement (CISE), dont le siège est 36/38 rue de la Princesse, 78 430 Louveciennes, et actuellement 1, rue E. Freyssinet, 78 280 Guyancourt, défenderesse à la cassation ;

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 12 octobre 1999, où étaient présents : Monsieur Lemontey, président, Monsieur Bargue, conseiller rapporteur, Messieurs Renard-Payen, Durieux, Madame Bénas, Messieurs Guérin, Sempère, conseillers, Madame Cassuto-Teytaud, conseiller référendaire, Monsieur Sainte-Rose, avocat général, Madame Collet, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Monsieur Bargue, conseiller, les observations de la SCP Peignot et Garreau, avocat de l'Association des consommateurs de la Fontaulière et des usagers de l'eau, de Me Choucroy, avocat de la société Compagnie de services et d'environnement, les conclusions de Monsieur Sainte-Rose, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

 

Attendu que, selon un cahier des charges du 16 mars 1982, le Syndicat pour l'étude, la réalisation et l'exploitation des réseaux d'eau potable et d'assainissement de la Basse Ardèche (SEREBA), devenu le Syndicat des eaux de la Basse Ardèche (SEBA), a confié, par convention d'affermage suivie de plusieurs avenants, à la société Socae-Balancy (SOBEA), aux droits de laquelle s'est substituée la Compagnie de services et d'environnement (CISE), la gestion de son service de distribution d'eau potable ; qu'à la suite d'une augmentation du tarif de l'eau en 1993, un certain nombre d'abonnés se groupant en association a décidé de ne pas acquitter la surtaxe incluse dans le prix ; que par application du contrat d'abonnement et du cahier des charges, la CISE a sollicité, en référé, l'autorisation de fermer les branchements alimentant en eau potable des immeubles des dirigeants de l'association, jusqu'à complet paiement des sommes dont ils étaient débiteurs ;

 

Sur le premier moyen et sur la troisième branche du second moyen réunis :

Attendu que les demandeurs au pourvoi font grief à l'arrêt attaqué (Nîmes, 2 septembre 1998) d'avoir rejeté l'exception d'incompétence et la demande de sursis à statuer fondée sur la compétence du juge administratif pour apprécier la validité du contrat d'affermage en vertu duquel la CISE aurait intérêt et qualité pour agir en paiement de la surtaxe litigieuse, alors, selon le moyen, d'une part, qu'en considérant que les contestations relatives à la validité du contrat d'affermage ayant désigné la CISE comme gestionnaire du service public de distribution de l'eau n'étaient pas préjudicielles, la cour d'appel a violé l'article 312 du NCPC ; et alors, d'autre part, que le non paiement par l'usager d'une partie de sa facture d'eau correspondant à une surtaxe pour assainissement, dont le juge administratif a reconnu le caractère discriminatoire et a annulé les délibérations l'édictant, n'engendre pas un trouble manifestement illicite, de sorte qu'en affirmant le contraire en se bornant à caractériser l'existence du trouble mais non de son caractère manifestement illicite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 809 du NCPC ;

Mais attendu que l'arrêt qui constate que le contrat d'abonnement conclu entre les usagers et la société fermière était distinct du contrat d'affermage et ne comportait aucune clause exorbitante du droit commun, énonce à bon droit que les litiges qui en découlent relèvent de la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire ; que dès lors, la réalité du contrat d'affermage et des livraisons d'eau aux abonnés n'étant pas contestée, la cour d'appel a pu décider que les contestations relatives à la validité dudit contrat d'affermage et à ses avenants n'étaient pas préjudicielles, et a pu déduire du refus des abonnés de payer la totalité du prix de l'eau l'existence d'un trouble manifestement illicite ; d'où il suit que ni le premier moyen, ni la troisième branche du second moyen ne sont fondés ;

 

Sur le second moyen pris en ses première et deuxième branches :

Attendu que les demandeurs au pourvoi reprochent à l'arrêt d'voir fait droit à a la demande de la CISE de l'autoriser à couper l'alimentation en eau des usagers refusant de s'acquitter de la totalité du prix facturé alors, selon le moyen, d'une part, qu'en se bornant à affirmer que le règlement du service d'eau potable avait été rendu exécutoire par son affichage en mairie et qu'il était en conséquence opposable par la CISE aux usagers du service sans avoir recherché, comme elle y était expressément invitée, si la CISE avait fait référence, dans son contrat d'abonnement, à ce règlement et si elle l'avait communiqué aux usagers du service, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ; et alors, d'autre part, qu'en fondant sa décision sur un moyen de droit relevé d'office, selon lequel le règlement du service des eaux prévoyant la fermeture du branchement en cas de non paiement était opposable aux usagers, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé le principe de la contradiction ;

Mais attendu que l'arrêt attaqué constate que, dans le contrat d'abonnement, chaque abonné s'était engagé à se conformer en tous points au règlement du service d'eau potable rendu exécutoire par décision préfectorale et que, constituant un acte administratif de portée collective, il avait été régulièrement affiché dans les mairies relevant du SEBA ; que la cour d'appel qui, sans relever d'office un moyen qui se trouvait dans le débat, a justement déduit de ses propres constatations que ledit règlement était opposable aux abonnés, a légalement justifié sa décision ;

 

Sur le second moyen, pris en sa quatrième branche :

Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait alors, selon le moyen, qu'en modifiant d'office la demande de la CISE d'interruption de la livraison d'eau aux abonnés qui refusaient de payer une partie du prix, en ajoutant que cette interruption ne serait autorisée qu'à l'expiration d'un délai de deux moins à compter de la signification de l'arrêt, pour éviter que la décision ne cause aux usagers un trouble supérieur à celui subi par la CISE, la cour d'appel a, pour justifier sa décision, dénaturé les termes du litige ;

Mais attendu que les demandeurs au pourvoi sont dépourvus d'intérêt à critiquer l'arrêt de leur avoir accordé un délai avant la coupure de la fourniture d'eau, qui n'était pas demandé par la CISE ; d'où il suit que le grief est irrecevable en sa quatrième branche ;

 

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les demandeurs aux dépens ;

Vu l'article 700 du NCPC, rejette la demande des demandeurs au pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf