TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BÉZIERS

N° R.G. 96/01770 

JUGEMENT DU 01 MARS 1999

 

AFFAIRE

COMPAGNIE DES EAUX ET DE L'OZONE
c/
Monsieur Jacques X...
Société ASSISTANCE CONTRÔLE DES SERVICES PUBLICS

 

 

DEMANDEURS :
SA COMPAGNIE DES EAUX ET DE L'OZONE
4 rue du Général Foy
75 008 PARIS
Représentée par Maître CABRILLAC, Avocat postulant au barreau de Beziers et Maître PIERRE-TRAXELER, Avocat au barreau de Paris

 

DÉFENDEURS :
Monsieur Jacques X... pris en sa qualité de gérant de la SARL ACSP
SARL ASSISTANCE ET CONTRÔLE DES SERVICES PUBLICS
Représentés par la SCP CABANES GELLY - SIMON, Avocats au barreau de Béziers

 

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et magistrats ayant délibéré :
Président : Pierre D'HERVE, Président
Assesseur : Joël CATHALA, Juge
Assesseur : Jean Marie ESCARO, Juge
Greffier : Pascale GAILHARD

 

 

DÉBATS :

Vu l'ordonnance de clôture en date du 10 Septembre 1998 ayant fixé l'audience de plaidoiries au 02 Novembre 1998 renvoyée au 04 Janvier 1999 où l'affaire a été plaidée et mise en délibéré au 01 Mars 1999

Maître PIERRE-TRAXELER et Maître SIMON ont été entendus en leur plaidoirie

 

 

JUGEMENT : Prononcé en audience publique par Pierre D'HERVE, Président, assisté de Pascale GAILHARD, Greffier

 

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Soutenant qu'en établissant pour la remettre au district de la COTE VERMEILLE un document abusivement dénommé audit, particulièrement excessif, partial et injurieux à son encontre, Monsieur Jacques X... et à travers lui sa société la SARL ASSISTANCE ET CONTROLE DES SERVICES PUBLICS (en agrégé ACSP) ont commis des fautes graves dans l'exercice de leurs fonctions, la SA COMPAGNIE DES EAUX ET DE L'OZONE (en agrégé CEO) a, par acte du 15 juillet 1996, assigné Monsieur Jacques X... pris tant en son nom personnel qu'en qualité de gérant de la société ACSP aux fins d'obtenir l'octroi d'une somme de 2 000 000 francs à titre de dommages et intérêts outre 30 000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi que l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

 

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La société demanderesse soutient en substance que Monsieur Jacques X..., sous couvert de sa société, a conduit sa mission consistant d'une part à l'analyse des contrats de distribution d'eau et de concession de la station d'épuration de PORT VENDRE conclus entre le district de la COTE VERMEILLE et la société COMPAGNIE DES EAUX ET DE L'OZONE et d'autre part à la détermination normale des services délégués, avec la volonté délibérée de nuire à la société COMPAGNIE DES EAUX ET DE L'OZONE par tous moyens et avec légèreté blâmable acceptant d'en rendre les conclusions publiques, et qu'il en est résulté pour elle un préjudice qui ne saurait être évalué à moins de deux millions de francs.

 

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Les défendeurs ont répondu à titre principal que l'action engagée à leur encontre était prescrite, comme fondée sur des reproches de délits de diffamation ou d'injures remontant au mois de mars 1996, et en outre irrecevable, faute de l'accomplissement de la formalité légale relative à la communication, en matière de diffamation, de l'assignation introductive d'instance, au ministère public. Subsidiairement au fond, ils ont conclu au débouté, faisant valoir essentiellement qu'ils ont mené leur mission avec honnêteté, indépendance et à la satisfaction du district de la COTE VERMEILLE qui leur a renouvelé sa confiance, et que la présente procédure n'a été engagée que dans un but de leur nuire et de mettre fin à leur activité. Ils réclament reconventionnellement la somme de 2 000 000 francs à titre de dommages et intérêts et 20 000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

 

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Ajoutant à sa demande initiale, la société COMPAGNIE DES EAUX ET DE L'OZONE réclame qu'il soit également ordonné le bâtonnement de la phrase suivante figurant dans les conclusions adverses : "qu'il ne faut pas permettre une démarche maffieuse du pouvoir des sociétés quelle que soit leur puissance financière ou politique", en considérant qu'assimiler à la mafia les compagnies distributrices dont elle-même fait partie, est gravement diffamatoire.

 

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L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 septembre 1998 et l'affaire a été fixée à l'audience publique du 02 novembre suivant, puis en accord avec les parties à celle du 04 janvier 1999 pour à cette date après plaidoirie, être mise en délibéré au 1er mars 1999.

 

 

 

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Attendu que la société demanderesse ne vise aucune disposition légale à l'appui de ses prétentions ;

Attendu cependant que dans le dernier état de ses écritures, elle invoque à l'encontre des défendeurs l'existence d'une faute "professionnelle", en l'état d'un document remis au district de la COTE VERMEILLE, sans vérification sérieuse et suffisante, avec légèreté blâmable et l'évidente intention de lui nuire ; qu'il convient donc de considérer, compte tenu de l'absence de lien contractuel entre les parties au litige, que la société demanderesse recherche la responsabilité délictuelle des requis fondée sur l'article 1382 du Code Civil.

Attendu que par suite, les actions en responsabilité délictuelle se prescrivant sur trente ans, les moyens d'irrecevabilité soulevés en défense ne peuvent prospérer.

Attendu que la responsabilité délictuelle n'est engagée qu'en cas de faute, de préjudice et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

Attendu qu'en ce qui concerne la première condition d'application de ce texte, la société demanderesse fait état d'une faute "professionnelle" ; que s'agissant du qualificatif appliqué à la faute invoquée, la société COMPAGNIE DES EAUX ET DE L'OZONE n'établit pas l'existence d'un statut particulier ou de règles déontologiques s'appliquant à la SARL ACSP ou à Monsieur Jacques X..., et que ces derniers auraient transgressé.

Attendu qu'en second lieu, et à supposer que la faute alléguée soit établie, force est de constater que la société demanderesse se borne à faire état d'un préjudice dont elle n'indique pas la nature ; que par ailleurs, elle n'établit pas qu'à la suite du document critiqué dont la révélation pour partie, au public, n'incombe pas à ses auteurs, elle a subi soit la résiliation de contrats en cours avec le district de la COTE VERMEILLE, soit le non renouvellement de contrats venus à échéance.

Attendu que par suite, faute d'établir l'existence d'un préjudice direct, actuel et certain, la demande principale de la COMPAGNIE DES EAUX ET DE L'OZONE sera rejetée.

Attendu que s'agissant de la demande additionnelle tendant au bâtonnement d'une phrase contenue dans les conclusions prises en défense, il convient de replacer la phrase critiquée dans son contexte.

Attendu que cette phrase se situe dans un paragraphe intitulé "conclusions d'ensemble" qui quelque soit leur caractère opportun ou inopportun, ne font pour l'essentiel que rappeler ce qui est connu de l'opinion publique depuis plusieurs années au travers des médias, en ce qui concerne la distribution de l'eau en France, et les quelques sociétés ou groupes privés français assurant les services de la gestion de l'eau et mises en cause à l'occasion d'un certain nombre d'affaires judiciaires, concernant notamment les conditions d'attribution des contrats ou concessions de distribution de l'eau et d'assainissement.

Attendu que la phrase critiquée est également à rapprocher d'un certain nombre de faits incontestables rappelés par les défendeurs et concernant les procédures pénales engagées ou les condamnations prononcées par les tribunaux contre des dirigeants de sociétés distributrices de l'eau pour faux, usage de faux, corruption ; que la phrase dont s'agit est également à rapprocher du jugement prononcé par le tribunal correctionnel de PARIS ayant condamné un (désormais) ancien dirigeant d'une filiale d'une grande société française de la distribution de l'eau, à une peine d'emprisonnement pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit, en l'espèce intimider Monsieur Jacques X....

Attendu enfin que la phrase critiquée n'est pas expressément dirigée contre la société demanderesse.

Attendu qu'en conséquence, il n'y a pas lieu à cancellation de ladite phrase.

Attendu qu'en ce qui concerne la demande reconventionnelle, il n'est pas démontré que la procédure engagée par la société COMPAGNIE DES EAUX ET DE L'OZONE n'a d'autre objet que de nuire aux défendeurs et de mettre fin à leurs activités ; qu'en d'autres termes, le caractère abusif de la procédure diligentée en demande n'est pas établi.

Attendu par contre que l'équité commande de ne pas laisser à la charge des défendeurs les frais non inclus dans les dépens qu'ils ont dû engager dans la présente instance.

 

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort ;

Rejette l'exception d'irrecevabilité soulevée en défense ;

Déboute la SA COMPAGNIE DE L'EAU ET DE L'OZONE de toutes ses prétentions ;

Déboute les défendeurs de leur demande reconventionnelle ;

Condamne la SA COMPAGNIE DE L'EAU ET DE L'OZONE aux dépens et à payer aux défendeurs la somme de 6 000 francs (SIX MILLE FRANCS) en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

 

(...)