COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE - 2ème SECTION

ARRÊT N° 14 DU 8 JANVIER 1998

DOSSIER N° 2300/96

SYNDICAT INTERCOMMUNAL D'ASSAINISSEMENT DE LA HAUTE SEINE
c/
Divers

 

PARTIES EN CAUSE :
LE SYNDICAT INTERCOMMUNAL D'ASSAINISSEMENT DE LA HAUTE SEINE ayant son siège 34, rue de la République 10 390 VERRIÈRES, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés de droit audit siège,
APPELANT (e) d'un jugement rendu par le Tribunal d'Instance de TROYES le 13 juin 1996,
COMPARANT, concluant par la SCP CHALICARNE DELVINCOURT JACQUEMET, avoué à la Cour, et ayant comme avocat Maître BETTINGER,

EN PRÉSENCE DE
- Monsieur le Procureur Général près la Cour d'Appel de REIMS, représenté par Monsieur l'Avocat Général PERRET entendu en ses réquisitions orales,
INTERVENANT sur déclinatoire de compétence de Monsieur le Préfet de l'Aube,
- Monsieur le Préfet de l'Aube place de la Libération 10 000 TROYES,
DEMANDEUR au déclinatoire de compétence,
 

DIVERS :
(pages 2 à 34 : noms et domiciles d'abonnés)
INTIMÉS, SCP GENET & BRAIBANT, Avoués
Maître BORDERIE, Avocat

ET EN PRÉSENCE DE :
(page 35 : noms d'abonnés)

 

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
PRÉSIDENT : Madame MARZI
CONSEILLERS : Madame CLABAUT, Monsieur BECKIUS
GREFFIER d'audience : Madame MOBON

DÉBATS : à l'audience publique du 6 Novembre 1997, au cours de laquelle les Conseils des parties ont été entendus en leurs conclusions et explications ; le Ministère Public en ses conclusions orales ;

ARRÊT : collationné et prononcé par Madame le Président MARZI qui a signé la minute avec Madame LANCELLOTTI, Greffier présent lors du prononcé

 

LA COUR,

Statuant sur l'appel formé par le SYNDICAT INTERCOMMUNAL D'ASSAINISSEMENT DE LA  HAUTE-SEINE du jugement prononcé le 13 juin 1996 par le Tribunal d'Instance de TROYES qui a :
- reconnu sa compétence
- déclaré les demandes recevables
- dit que l'obligation au paiement de la redevance dont se prévaut le Syndicat est dépourvue de cause
- en a déchargé les demandeurs
- condamné le Syndicat Intercommunal d'Assainissement de la HAUTE SEINE à restituer différentes sommes aux demandeurs

 

LES FAITS - LA PROCÉDURE

Un certain nombre de communes de l'agglomération Troyenne et de sa périphérie ont souhaité la création d'un réseau d'assainissement à partir de 1985 afin, d'une part de protéger la qualité des nappes phréatiques et, d'autre part de pallier le dysfonctionnement des fosses septiques pour assurer un meilleur confort de l'habitat.

C'est ainsi qu'à été créé en avril 1986 le Syndicat Intercommunal d'Assainissement de la Haute Seine compétent pour une population concernée au départ de 4 300 habitants.

Le réseau a été mis en place en 1988 et 1989. Les travaux ont notamment comporté la réalisation des canalisations, des boîtes de raccordement et la construction d'une station d'épuration.

Le compte administratif de l'exercice 1991 du syndicat présentait un déficit de 1 938 292,73 francs, représentant plus de 10 % des recettes de fonctionnement (54 %). Aussi, le 30 novembre 1992, le Préfet a t-il saisi la chambre régionale des comptes en application de l'article 9 de la loi du 2 mars 1982.

Le 17 février 1993 la chambre régionale des comptes a déclaré la saisine recevable, constaté le déficit et estimé que celui-ci provenait d'une augmentation régulière de la charge de la dette, de l'absence au cours des premières années de produits d'exploitation et de leur insuffisance pendant les années suivantes. Le déficit s'élevait au Compte Administratif de l'exercice 1992 à 3 854 664,44 francs.

En outre, la chambre estimait que la situation était telle que le déficit ne serait résorbé que sur une période qui ne saurait être inférieure à 5 ans. Elle proposait donc, entre autres, l'application de diverses mesures telles que la participation des communes membres du syndicat aux charges de fonctionnement, la majoration du tarif d'abonnement pour les abonnés des communes membres jusqu'à hauteur de 2 200 francs, la majoration du montant de la redevance au seuil minimum de 6,50 francs par m3 pour l'ensemble des usagers et demandait enfin au Préfet de lui transmettre, dès son adoption, le budget primitif 1993.

La chambre régionale des comptes avait par ailleurs informé le syndicat qu'en cas de non respect des recommandations ainsi émises, ces dernières pourraient lui être imposées par le biais d'un règlement d'office de son budget par le Préfet.

Le syndicat s'est conformé, en partie, à la position de la juridiction financière en adoptant le 31 mars 1993 une délibération relevant à la fois le niveau de l'abonnement de 2 230 francs et le prix du mètre cube d'eau usée à 6,50 francs. Cette délibération, devenue exécutoire, n'a jamais fait l'objet de recours en annulation devant le juge administratif.

Un arrêté préfectoral du 13 juillet 1993 a imposé une correction du budget du syndicat pour exiger la prise en charge d'une "... participation des communes adhérentes au remboursement d'emprunt" et pour permettre le report des déficits antérieurs.

Suivant assignation des 13 janvier et 1er février et 16 mai 1995, le Tribunal d'Instance de TROYES fut saisi par un ensemble d'abonnés d'une demande de restitution de sommes représentatives de redevances forfaitaires d'assainissement indûment facturées et recouvrées par le Syndicat Intercommunal de la Haute Seine, dans le cadre des rapports contractuels établis avec les abonnés de l'assainissement par ailleurs assujettis au paiement d'une redevance pour service rendu, calculée sur la base du m3 d'eau consommé.

Le Syndicat s'est opposé aux demandes les prétendant irrecevables, soulevant l'incompétence du Juge d'Instance, s'agissant du mode de facturation adopté, distinguant une partie fixe et une autre proportionnelle, conforme à l'article R 372-8 du code des communes et justifiant au fond, l'adoption des nouvelles factures sur les recommandations de la Chambre Régionale des Comptes.

C'est dans ces conditions que le jugement entrepris a été prononcé.

 

MOYENS DES PARTIES

Par conclusions du 9 décembre 1996, le Syndicat Intercommunal a demandé à la Cour de :

Recevant le Syndicat Intercommunal en son appel, et l'y disant bien fondé,

Annuler le jugement entrepris du 13 juin 1996 rendu par le Tribunal d'Instance de TROYES, en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :

Constater l'existence d'une question préjudicielle ressortant à la compétence de la juridiction administrative et faisant obstacle à l'examen en l'état des demandes des intimés,

Renvoyer l'ensemble desdits intimés à saisir le Tribunal Administratif compétent (en l'espèce celui de CHALONS EN CHAMPAGNE) pour qu'il statue sur leur réclamation quant à la validité de la partie fixe de la redevance assainissement telle que décidée et fixée dans son quantum par l'assemblée délibérante du Syndicat Intercommunal, ainsi que sur la légalité des sommes réclamées depuis 1993 voire depuis 1987 au titre de l'abonnement ;

Surseoir à statuer plus avant jusqu'à ce que la juridiction administrative ait définitivement statué sur cette question préjudicielle ;

Surseoir à statuer sur les dépens.

A défaut, rejeter les demandes des intimés pour les raisons précisées ci-dessus.

Dire et juger que les factures émises par le Syndicat au titre des redevances on encore acquittées sortiront leur plein et entier effet,

Condamner les demandeurs à les payer avec intérêts de droit ;

Les condamner aux dépens de première instance et d'appel et autoriser la SCP CHALICARNE DELVINCOURT JACQUEMET à recouvrer directement les dépens d'appel dans les termes et conditions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Intervenant volontairement à la procédure, le Préfet de l'Aube, représenté par Monsieur le Procureur Général près la Cour d'Appel de REIMS, a, par acte du 13 mars 1997, demandé à la Cour de céans d'accueillir et de faire droit au déclinatoire de compétence proposé par le Préfet de l'Aube le 10 février 1997 et de :
- en la forme dire que l'appel est recevable
- sur la compétence, accueillir le déclinatoire et y faire droit
- sur le fond, surseoir à statuer
- statuer ce que de droit sur les dépens

L'ensemble des abonnés, intimés dans la présente procédure demandent à la Cour de :
- dire irrecevables les exceptions d'incompétence soulevées par le Préfet de l'Aube et par le Syndicat Intercommunal de l'Assainissement de la Haute Seine
- en toutes hypothèses, de dire non fondée l'exception d'incompétence soulevée tant par le Préfet de l'Aube que par le Syndicat Intercommunal de la Haute Seine
- de se déclarer compétente pour statuer sur l'intégralité du litige qui lui est dévolu
- subsidiairement, de donner acte aux concluants de ce qu'ils s'en remettent sur l'éventualité d'un renvoi préjudiciel soulevé d'office par votre Cour, et cela aux fins d'apprécier la validité des délibérations du Syndicat Intercommunal de l'Assainissement de la Haute Seine ayant réglementé la redevance d'assainissement forfaitaire ou redevance-abonnement
- de prononcer la réouverture des débats afin d'entendre les parties en leurs explications sur le fond du litige
- de réserver les dépens

L'ordonnance de clôture est intervenue le 30 octobre 1997

L'incident de restitution des pièces introduit par le Syndicat Intercommunal le 4 novembre 1997 a été radié ce jour, les pièces ont été restituées le 5 novembre 1997

 

SUR CE

Attendu que la Cour saisie d'un déclinatoire ne peut que statuer sur la compétence ;

Qu'il convient cependant de répondre aux arguments développés par les intimés tendant d'une part, à l'irrecevabilité du déclinatoire, d'autre part à l'irrecevabilité de l'exception d'incompétence soulevée par le Syndicat Intercommunal ;

1°) Sur l'irrecevabilité du déclinatoire de compétence

Attendu que les intimés prétendent ne pas avoir eu connaissance du déclinatoire de compétence du Préfet de l'Aube ;

Mais attendu que si les réquisitions de Monsieur le Procureur Général du 14 mars 1997, ne comportent pas l'intégralité du déclinatoire de compétence, ce dernier a été ultérieurement communiqué le 8 juillet 1997, avec les annexes ;

Attendu dans ces conditions que cet argument doit être rejeté et le déclinatoire de compétence doit être déclaré recevable ; 

2°) Sur l'irrecevabilité de l'exception d'incompétence soulevée par le Syndicat Intercommunal

Attendu que les intimés prétendent qu'en première Instance, le Syndicat Intercommunal n'aurait pas soulevé l'incompétence du Tribunal d'Instance,

Que cette demande serait donc irrecevable en appel ;

Mais attendu qu'il ressort des termes même du jugement entrepris, que le Syndicat s'est opposé aux demandes des abonnés en soulevant l'incompétence du Juge judiciaire, s'agissant d'une facturation conforme aux dispositions de l'article R 372-8 du Code des communes ;

Que c'est donc à tort que les abonnés affirment dans leurs écritures, que le Tribunal d'Instance aurait soulevé d'office la question de sa compétence ;

Qu'il convient de rejeter cet argument et de déclarer recevable l'exception d'incompétence soulevée par le Syndicat Intercommunal 

Sur la compétence :

Attendu que le problème posé par la présente instance est relatif à la facturation des redevances d'assainissement, s'agissant des sommes perçues à l'occasion de l'exécution d'un service public industriel et commercial ;

Attendu que l'application des contrats souscrits avec chacun des abonnés relève de la compétence des juridictions judiciaires ;

Que, par contre, les délibérations de l'Établissement Public Territorial Local portant notamment sur des modalités tarifaires sont de portée générale et ressortent du domaine réglementaire ;

Que le problème de la légalité de ses délibérations relève des juridictions administratives,

Attendu qu'en l'espèce, les abonnés contestent la délibération du Syndicat qui a fixé le prix de l'abonnement ainsi que celui du m3 d'eau usée ;

Que cette décision d'ordre général doit être examinée par la juridiction administrative et qu'il convient de faire droit au déclinatoire de compétence ;

 

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Donne à la SCP GENET & BRAIBANT l'acte repris ;

Réforme le jugement entrepris ;

Fait droit au déclinatoire de compétence ;

Déclare les juridictions de l'ordre judiciaire incompétentes pour statuer sur les demandes formées par l'ensemble des intimés ;

Renvoie les parties à mieux se pourvoir ;

Condamne les intimés aux dépens avec droit de recouvrement direct des dépens d'appel au profit de la SCP CHALICARNE DELVINCOURT JACQUEMET Avoués dans les termes de l'article 699 du NCPC