N° 01NT01546

Monsieur Pierre X... et autres

M. LEPLAT,
Président de chambre
-----
Mme JACQUIER,
Rapporteur
-----
M. MORNET,
Commissaire du gouvernement

Séance du 9 mars 2004
Lecture du 9 avril 2004

[N.CR.]

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE NANTES
(4éme chambre)

 

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la Cour les 26 juillet 2001 et 22 janvier 2002, présentés par :
1) Monsieur Pierre X..., demeurant (...) ;
2) Madame Annick Y..., demeurant (...) ;
3) le GROUPE D'ACTION MUNICIPALE D'OLIVET (GAMO), ayant son siége 626, rue de la Vallée, 45160 Olivet ;

Les requérants demandent à la Cour :
- à titre principal :
1) d'annuler le jugement n° 97-1331 du 17 mai 2001 du Tribunal administratif d'Orléans
2) d'annuler la délibération du conseil municipal du 29 avril 1997

La COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX demande à la Cour :
1) de rejeter la requête ;
2) de condamner les appelants à lui verser la somme de 20 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La COMMUNE D'OLIVET demande à la Cour :
1) de rejeter la requête ;
2) de condamner solidairement Monsieur Pierre X..., Madame Annick Y... et le GAMO à lui verser la somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :
- la délibération du 29 avril 1997 ne lése pas l'intérêt des requérants de voir baisser le prix de l'eau.

Vu le mémoire, enregistré le 19 janvier 2004, présenté par Monsieur Pierre X..., Madame Annick Y... et le GAMO, qui persistent aux mêmes fins. Ils font encore valoir que :
- la fraude commise par la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX qui a produit des déclarations frauduleuses justifie l'annulation de l'avenant n° 18 ;
- la durée de la concession fixée à 99 ans, est contraire à la loi Barnier du 2 février 1995.

Aprés avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mars2004 :
- le rapport de Mme JACQUIER, premier conseiller,
- les observations de Me CAZCARRA, substituant Me CABANES, avocat de la COMMUNE D'OLIVET,
- les observations de Me DELVOLVE, avocat de la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX,
- et les conclusions de M. MORNET, commissaire du gouvernement ;

 

 

Sur les conclusions à fin d'annulation des avenants n° 18 et 20 au traité de concession et de la délibération du 29 avril 1997 :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant que par un traité de concession du 24 juillet 1931, la COMMUNE D'OLIVET a confié la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX l'extension et l'exploitation de son service de distribution d'eau potable ; qu'ultérieurement, l'avenant n° 18 en date du 23 décembre 1993 a abrogé les documents contractuels antérieurs et leur a substitué les stipulations prévues par ledit avenant ; que par une délibération du 29 avril 1997, le conseil municipal a approuvé l'avenant n° 20 et a autorisé le maire à le signer ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 40 de la loi du 29 janvier 1993 susvisée dans sa rédaction issue de l'article 75 de la loi du 2 février 1995, figurant désormais au premier alinéa de l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales : "Les conventions de délégations de service public doivent être limitées dans leur durée. Celle-ci est déterminée par la collectivité en fonction des prestations demandées au délégataire. Lorsque les installations sont à la charge du délégataire, la convention de délégation tient compte, pour la détermination de sa durée, de la nature et du montant de l'investissement à réaliser et ne peut dans ce cas dépasser la durée normale d'amortissement des installations mises en oeuvre. Dans le domaine de l'eau potable, de l'assainissement, des ordures ménagéres et autres déchets, les délégations de service public ne peuvent avoir une durée supérieure à vingt ans..." ;

Considérant que la durée d'un contrat conclu entre une personne publique et une personne privée et qui a pour objet, comme en l'espéce, l'organisation du service public de la distribution d'eau potable, ne saurait, sans qu'il soit porté une atteinte excessive, d'une part, aux principes qui régissent le fonctionnement du service public, et notamment, au principe d'adaptabilité, et d'autre part, aux régles générales destinées à assurer le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, auxquels doit obéir la passation de tels contrats, être fixée sans aucune limitation ou sans qu'il soit tenu compte de la nature des installations mises en oeuvre et de leur durée normale d'amortissement ; que si l'entrée en vigueur des dispositions de la loi du 29 janvier 1993 susvisée limitant à 20 ans la durée des conventions de délégations de service public dans le domaine de l'eau, n'entraîne pas, par elle-même, la nullité des contrats conclus dans ce domaine pour une durée supérieure, elles font néanmoins obligation aux co­contractants, en vertu des principes rappelés ci-dessus, d'adapter les conventions en cours aux nouvelles dispositions législatives ; qu'il en résulte notamment qu'en cas de signature d'un nouvel avenant postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi susvisée, ledit avenant doit nécessairement tenir compte des nouvelles dispositions législatives et ne pas permettre que la période restant à courir du contrat excéde celle prévue par ces dispositions, sauf pour des motifs dûment justifiés et soumis à l'examen du trésorier payeur général, dont il n'est pas fait état en l'espéce ;

Considérant que la stipulation par laquelle la durée de la convention est fixée à 99 ans, dont le principe a été repris par l'avenant n° 18, signé le 23 décembre 1993, qui prévoit que la concession se poursuit jusqu'à son terme fixé au 4 avril 2032, est entachée de nullité et a pour effet d'entacher de nullité l'ensemble de ses clauses ; que, par suite, la délibération du 29 avril 1997 approuvant l'avenant n° 20, qui ne comporte aucune modification de la durée du contrat, et autorisant le maire à le signer est elle-même entachée d'illégalité ; qu'il résulte de ce qui précéde que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ladite délibération ;

Considérant, en revanche, que les avenants au contrat de concession ne constituent pas des actes susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excés de pouvoir ; que, par suite, les conclusions dirigées contre ces avenants ne sont pas recevables ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précéde, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la production de divers documents par la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX, que les requérants sont fondés à demander l'annulation du jugement du Tribunal administratif d'Orléans du 17 mai 2001 ainsi que de la délibération du conseil municipal d'Olivet du 29 avril 1997 approuvant l'avenant n° 20 et autorisant le maire à le signer.

 

 

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 97-1331 en date du 17 mai 2001 du Tribunal administratif d'Orléans est annulé en tant qu'il rejette la demande d'annulation de la délibération du 29 avril 1997 du conseil municipal d'Olivet.

Article 2 : La délibération du 29 avril 1997 par laquelle le conseil municipal d'OIivet a approuvé l'avenant n° 20 au contrat conclu entre la COMMUNE D'OLIVET et la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX pour l'exploitation du service d'eau potable de la ville, et autorisé le maire à le signer, est annulée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Monsieur Pierre X..., de Madame Annick Y... et du GROUPE D'ACTION MUNICIPALE D'OLIVET (GAMO) et de leur demande présentée devant le Tribunal administratif d'Orléans est rejeté.

 

 

Prononcé en audience publique, le 9 avril 2004.

Le rapporteur, C. JACQUIER
Le président, B. LEPLAT
Le greffier, C. CATILLON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.