TRIBUNAL ADMINISTRATIF D'AMIENS
N° 99138
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Madame Marie-Line X...
c/
COMMUNE DE LA CHAPELLE-EN-SERVAL
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Madame GOSSELIN
Rapporteur
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Monsieur BARTHEZ
Commissaire du gouvernement
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Audience du 10 juin 1999
Lecture du 16 septembre 1999
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NATURE DE L'AFFAIRE :
COMMUNE.
Service de l'eau.
Transfert au budget général des excédents d'exploitation du budget annexe. Légalité.
Budget. Catégories de recettes.
Ventes de bons du trésor (non)
ANNULATION PARTIELLE.
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135.02.03.03.04
135.02.04.03.01
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

 

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

Le Tribunal administratif D'AMIENS, (3ème Chambre)

 

 

Vu la requête enregistrée le 18 janvier 1999 sous le n° 99138, présentée par Madame Marie-Line X... qui demande au Tribunal l'annulation de la délibération de la commune de La Chapelle-en-Serval en date du 19 novembre 1998 confirmant le principe du transfert au budget général de la commune d'une partie des excédents du budget annexe de l'eau et modifiant en conséquence le budget annexe de l'eau ;

Vu la décision attaquée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 juin 1999 :
- le rapport de Madame GOSSELIN, conseiller,
- les observations de Me POURCHEZ, avocat à Amiens, représentant la commune de La Chapelle-en-Serval,
- les observations de Madame Marie-Line X...,
- et les conclusions de Monsieur BARTHEZ, commissaire du gouvernement,

 

Considérant que par la décision attaquée en date du 19 novembre 1998, le conseil municipal de la commune de La Chapelle-en-Serval a d'une part, confirmé sa volonté de transférer au budget général de la commune une somme de 2 500 000 F, placée en bons du trésor et provenant des excédents cumulés de la section d'exploitation du budget annexe de l'eau et d'autre part décidé de modifier en conséquence le budget annexe de l'eau de l'année 1998 ;

 

Sur le principe du transfert au budget général de la commune d'une partie des excédents d'exploitation du budget annexe :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions tendant à l'annulation de cette partie de la délibération :

Considérant que la commune de La Chapelle-en-Serval a confié, par un contrat d'affermage en date du 17 décembre 1997 la gestion de son service des eaux à la société Lyonnaise des Eaux qu'aux termes de ce contrat, les travaux de renouvellement des captages et de renforcement, extension et amélioration du réseau demeurent à la charge de la commune ; que le fermier reverse en contrepartie à la commune une fraction des redevances perçues sur les usagers ; que ces dépenses et recettes communales sont retracées dans un budget annexe ;

Considérant qu'aux termes de l'article L 2224-1 du code général des collectivités territoriales : <<Les budgets des services publics à caractère industriel ou commercial exploités en régie, affermés ou concédés par les communes doivent être équilibrés en recettes et en dépenses>> ; qu'aux termes de l'article L 2224-2 du même code : <<Il est interdit aux communes de prendre en charge dans leur budget propre des dépenses au titre des services publics visés à l'article L 2224-1. Toutefois, le conseil municipal peut décider une telle prise en charge lorsque celle-ci est justifiée par l'une des raisons suivantes : 1er Lorsque les exigences du service public conduisent la collectivité à imposer des contraintes particulières de fonctionnement ; 2ème Lorsque le fonctionnement du service public exige la réalisation d'investissements qui, en raison de leur importance et eu égard au nombre d'usagers, ne peuvent être financés sans augmentation excessive des tarifs (..) En aucun cas, cette prise en charge ne peut se traduire par la compensation pure et simple d'un déficit de fonctionnement>> ; que contrairement à ce que soutient la requérante, les dispositions précitées, relatives à la prise en charge par le budget propre d'une commune de dépenses d'un service public à caractère industriel et commercial, ne peuvent être interprétées comme interdisant à une commune d'affecter à son budget général l'excédent dégagé par le budget annexe d'un tel service public ;

Considérant que selon l'article R 323-11 du code des communes, applicable aux budgets annexes des régies dotées de la seule autonomie financière, dont les termes sont d'ailleurs repris par l'article R 323-57-1 du même code, pour les budgets des régies dotées de la personnalité morale et de l'autonomie financières : <<L'excédent comptable est affecté : 1er en priorité au compte Report à nouveau dans la limite du solde débiteur de ce compte ; 2ème au financement des mesures d'investissement pour le montant des plus-values de cession d'éléments d'actifs dans la limite du solde disponible ; 3ème pour le surplus, au financement des charges d'exploitation ou d'investissement, en report à nouveau ou au reversement à la collectivité locale de rattachement ; que ces dispositions sont applicables aux budgets annexes retraçant les opérations qu'il incombe à une commune ayant affermé un service industriel et commercial d'effectuer en propre et directement au titre de ses obligations prévues par le contrat d'affermage>> ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en l'espèce, l'excédent du budget annexe de l'eau aurait été nécessaire pour apurer le solde débiteur du compte Report à nouveau du budget annexe ou pour financer des dépenses d'investissement pour un montant équivalent aux plus-values de cessions d'actif, de telle sorte que son affectation au budget général, décidée par la délibération attaquée, l'aurait été en méconnaissance de l'ordre de priorité prévu par les 1er et 2ème de l'article R 323-111 ;

Considérant que si la règle d'équilibre des budgets annexes des services publics industriels et commerciaux posée par l'article L 2224-2 du code général des collectivités territoriales ne fait pas obstacle, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, à l'affectation au budget général de l'excédent dégagé par un tel budget annexe et si le 3ème de l'article R 323-111 du code des communes ne prévoit pas d'ordre de priorité entre les trois affectations de l'excédent du budget annexe qu'il autorise, un conseil municipal ne saurait sans entacher sa délibération d'une erreur manifeste d'appréciation, décider le reversement au budget général des excédents du budget annexe d'un service public industriel ou commercial qui seraient nécessaire au financement de dépenses d'exploitation ou d'investissement qui devraient être réalisées à court terme, que toutefois il ne ressort pas des pièces du dossier que les excédents cumulés du budget annexe de l'eau auraient été nécessaires à des dépenses d'exploitation ou d'investissement devant être réalisées à court terme ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de la délibération attaquée en tant qu'elle décide le transfert au budget général de la commune de la somme de 2 500 000 F provenant des excédents du budget annexe de l'eau ;

 

Sur les modifications du budget annexe de l'eau :

Considérant qu'après avoir décidé de procéder à la vente de bons du trésor pour un montant de 2 500 000 F et de transférer la somme correspondante de la section d'investissement à la section d'exploitation du budget annexe de l'eau, le conseil municipal de la commune de La Chapelle-en-Serval a décidé de modifier ce budget en inscrivant une recette de fonctionnement égale au montant du remboursement des bons du trésor ;

Considérant que l'équilibre réel du budget constitue une condition de la légalité des délibérations budgétaires, que le produit de la vente de bons du trésor constitue une rentrée de trésorerie et non une recette budgétaire ; qu'ainsi, Madame Marie-Line X... est fondée à demander l'annulation de la délibération attaquée en tant qu'elle autorise des écritures portant atteinte à l'équilibre réel du budget ;

 

Sur l'application de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la requérante tendant à ce que la commune de La Chapelle-en-Serval doit condamnée à lui verser une somme de 1 000 F sur le fondement des dispositions de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

 

 

DÉCIDE :

ARTICLE 1 : La délibération du 19 novembre 1998 du conseil municipal de La Chapelle-en-Serval est annulée en tant qu'elle autorise les écritures budgétaires décrites ci-dessus

ARTICLE 2 : Le surplus des conclusions est rejeté

ARTICLE 3 : Le présent jugement sera notifié à Madame Marie-Line X... et à la commune de La Chapelle-en-Serval

Délibéré à l'issue de l'audience publique du 10 juin 1999, où siégeaient :
- Madame Robert, président ;
- Madame Gosselin, Mlle Paris, conseillers, assistés de Madame Chatellain, greffier

Prononcé en audience publique le 16 septembre 1999

La République mande et ordonne au préfet de l'Oise, en ce qui le concerne et à tous huissiers à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement.