Tribunal d'Instance de Romans du 14/03/1996 usagers c/ COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX (CGE) et SYNDICAT INTERCOMMUNAL DES EAUX DE ROCHEFORT SAMSON (SIERS)

 

Usagers c/ COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX

(...)

Par contrat d'affermage en date du 9 novembre 1973, renouvelé pour une durée de douze ans à compter du 1er janvier 1992, la ville de BOURG DE PÉAGE a confié à la SA COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX (CGE) l'exploitation de son service de distribution d'eau potable.

L'eau distribuée par la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX est achetée, depuis 1992, au Syndicat Intercommunal des Eaux de ROCHEFORT-SAMSON.

Par actes d'huissier des 14 février et 3 mai 1995, dix-neuf habitants de la commune de BOURG EN PÉAGE, se plaignant de la non-conformité de l'eau distribuée aux normes fixées par la législation en vigueur et plus spécialement d'une teneur excessive en nitrates, ont fait citer la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX devant le Tribunal d'Instance de ROMANS afin qu'elle soit condamnée, avec exécution provisoire, à leur payer, à chacun d'eux la somme de 13 410,00 F, ramenée à 9 855,00 F en ce qui concerne Monsieur ... et Monsieur ..., à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice économique, celle de 4 000,00 F à titre de dommages-intérêts en réparation à leur préjudice moral et celle de 500,00 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Les demandeurs exposent que, depuis 1991, la concentration des nitrates dans l'eau qui leur est fournie excède le taux maximal de 50 mg/litre fixé par la directive européenne n° 80-778 du 15 juillet 1980, le décret n° 89-3 du 3 janvier 1989, le décret n°91-527 du 7 mars 1991 et la circulaire ministérielle n° 1325 du 9 juillet 1990 et que les manquements de la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX à son obligation de résultat, les ont contraints à acheter des bouteilles d'eau dans le commerce.

La SA COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX conclut au rejet des prétentions des demandeurs et sollicite reconventionnellement leur condamnation au paiement de la somme de 10 000,00 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en sus des dépens.

La COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX dénie la qualité d'abonné de Mesdames ... et précise que Messieurs ... ne sont devenus ses clients que depuis septembre et décembre 1993.

La COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX soutient, sur le fond, qu'elle a parfaitement rempli les obligations de moyens et d'information qui lui incombent en vertu des dispositions du décret du 3 janvier 1989 et de la circulaire du 3 juillet 1989, se prévaut de la contrainte résultant des clauses du contrat d'affermage et de la carence des pouvoirs publics constitutive d'un cas de force majeure, conteste enfin la réalité du préjudice allégué par des consommateurs qui déclarent avoir découvert les résultats des analyses à la fin de l'année 1994.

La COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX soulève subsidiairement deux questions préjudicielles relevant de la compétence du Tribunal Administratif de GRENOBLE, portant sur la compatibilité de la circulaire du 9 juillet 1990 avec la directive C.E.E. du 15 juillet 1980 et l'interprétation des clauses du contrat d'affermage.

Après que les avocats des parties eurent été entendues en leurs plaidoiries à l'audience du 25 janvier 1996, l'affaire a été mise en délibéré pour prononcé du jugement à l'audience du 14 mars 1996.

 

LES FAITS

Les rapports d'analyse versés aux débats (contrôles périodiques du laboratoire départemental et relevé récapitulatif de la mairie de BOURG DE PÉAGE en date du 1er décembre 1994) révèlent que l'eau, achetée par la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX au SYNDICAT INTERCOMMUNAL DES EAUX DE ROCHEFORT SAMSON et distribuée aux habitants de BOURG DE PÉAGE présente, depuis 1991, une teneur en nitrates presque toujours supérieure à 60 mg/litre et toujours supérieure à 50 mg/litre.

Les résultats de ces analyses ne sont pas contestés.

 

LE CONTRATS

Aux termes des demandes d'abonnement souscrites par les consommateurs et du règlement du service de distribution d'eau potable, la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX s'engage à fournir, moyennant redevances, une eau "potable" (cf. demande d'abonnement), "présentant constamment les qualités imposées par la réglementation en vigueur" (cf. règlement du service).

Les parties n'ont pas qualifié le contrat qui les lie.

S'agissant d'une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose et l'autre à la payer, le fournisseur et l'abonné sont liés par un contrat de vente régi par les dispositions, des articles 1582 et suivants du Code Civil.

L'obligation de délivrance incombant au vendeur en vertu des dispositions de l'article 1603 du Code Civil est une obligation de résultat.

En toute hypothèse, le contrat serait-il nommé contrat de vente ou qualifié de prestation de service, l'obligation portant sur une chose de genre serait encore une obligation de résultat.

 

LES TEXTES

L'article L 19 du code de la santé publique (ordonnance n° 58-1265 du 20 décembre 1958, article 1er) dispose que quiconque offre au public de l'eau en vue de l'alimentation humaine, à titre onéreux ou gratuit et sous quelque forme que ce soit, est tenu de s'assurer que cette eau est propre à la consommation.

Le décret n° 89-3 du 3 janvier 1989 transcrit en droit interne la directive CEE 80-778 du 15 juillet 1980 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine.

En vertu des dispositions de ce décret et de son annexe I.1.8 , la concentration des nitrates dans de telles eaux doit être inférieure à 50 mg/litre, le "niveau guide" fixé par la directive étant de 25 mg/litre.

L'article 3 de ce même décret précise de manière limitative les circonstances et les conditions dans lesquelles une dérogation aux exigences de qualité peut être accordée.

La circulaire ministérielle n° 1325 du 9 juillet 1990 rappelle la limite de 50 mg/litre et l'objectif de 25 mg/litre pour exposer ensuite les conséquences juridiques et sanitaires des dépassements éventuellement enregistrés.

En revanche, ne sont pas applicables au présent litige, les dispositions du décret n° 91-257 du 7 mars 1991, modifiant le décret du 3 janvier 1983, en ce qu'elles concernent les eaux douces superficielles.

 

LES FINS DE NON RECEVOIR

Les habitants de BOURG DE PÉAGE, consommateurs de l'eau distribuée par la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX, ont, même en l'absence de lien contractuel, un intérêt et le droit d'agir pour obtenir réparation du préjudice que leur aurait éventuellement causé la non-conformité de l'eau, à charge pour eux d'établir ce préjudice et de démontrer que la responsabilité de la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX est engagée à leur égard.

Les fins de non-recevoir tirées du défaut de qualité d'abonné constituent en réalité des moyens de défense au fond.

Les demandeurs seront donc déclarés recevables en leur action.

 

LES QUESTIONS PRÉJUDICIELLES

Il n'est pas prétendu que le traité d'affermage, qui n'a pas été intégralement versé aux débats, déroge aux normes de qualité fixées par la directive du 15 juillet 1980 et le décret du 3 janvier 1989. De toute façon, le traité d'affermage est, en ce qui concerne la qualité de l'eau distribuée, inopposable aux usagers qui n'y sont pas parties.

La circulaire du 9 juillet 1990, tout en rappelant le taux maximum de concentration en nitrates de 50 mg/litre, précise que "du point de vue de la santé publique, il peut être admis la consommation d'eau ayant une teneur comprise ente 50 et 100 mg/litre, sauf pour les femmes enceintes et les nourrissons de moins de six mois".

La circulaire prévoit en outre qu'en cas de dépassement du seuil de 50 mg/litre et dans la mesure où aucune dérogation ne peut être accordée dans les conditions prévues par la directive et le décret,

Cette circulaire qui s'adresse aux pouvoirs publics et se borne à interpréter les textes en vigueur en examinant les conséquences d'un dépassement du seuil réglementaire de 50 mg/litre, ne fixe pas de nouvelles normes de qualité qui s'imposeraient au juge chargé de trancher le litige opposant l'usager à la société fermière.

La compatibilité du traité d'affermage avec la réglementation et l'interprétation de la circulaire ministérielle ne sauraient donc donner lieu à des questions préjudicielles.

 

LES DEMANDES PRINClPALES

La COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX ne démontre ni d'ailleurs ne soutient qu'elle a obtenu ou qu'elle pouvait obtenir une dérogation au taux maximum de concentration en nitrates de 50 mg/litre.

Le fait que les pouvoirs publics aient estimé opportun de tolérer un dépassement de ce taux n'a pas pour autant libéré la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX de son obligation contractuelle de livrer à ses abonnés une eau présentant constamment les qualités imposées par la réglementation en vigueur, c'est-à-dire une teneur en nitrates inférieure ou égale à 50 mg/litre.

La COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX ne peut se prévaloir, pour s'exonérer de sa responsabilité, d'un cas de force majeure ou d'une contrainte alors que d'une part la pollution des eaux par les nitrates dans le canton de BOURG DE PÉAGE, qui n'a cessé de s'aggraver au fil des ans, était hautement prévisible ainsi qu'il ressort des analyses, publications et rapports versés aux débats, et que d'autre part elle a accepté en 1992, c'est-à-dire à une époque où le seuil de 50 mg/litre était déjà systématiquement dépassé, le renouvellement du traité d'affermage.

La COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX devra, par application des dispositions de l'article 1147 du Code Civil, réparer le préjudice que la livraison d'une eau polluée a causé à ses clients.

Mme..., M et Mme..., Mme..., M et Mme..., Mme..., M..., M..., M..., M..., M et Mme..., M..., M... justifient suffisamment de leur qualité d'abonné ou de cotitulaire du contrat d'abonnement en produisant des factures libellées à leur nom ou à celui de leur conjoint ainsi que des fiches d'état civil.

Ces abonnés ne peuvent à la fois prétendre avoir constaté le 19 octobre 1994 l'ampleur du défaut de conformité et de sa durée et avoir été contraints d'acheter des bouteilles d'eau dans le commerce pendant plusieurs années.

Ces mêmes abonnés sont, par contre, fondés à se prévaloir de l'acquisition de bouteilles d'eau depuis le 19 octobre 1994 pour pallier la carence de la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX.

En tenant compte de la gêne occasionnée par une livraison imparfaite et du recours à des fournisseurs extérieurs justifié par une légitime prudence mais en l'absence d'atteinte à l'intégrité physique et sans retenir le calcul purement théorique proposé par les demandeurs, le Tribunal est en mesure de fixer, toutes causes confondues, à la somme de 2 000,00 F par branchement au réseau le montant du préjudice subi par les abonnés susnommés.

Madame ..., Madame ..., M ... et Madame ... ne justifient pas de leur qualité d'abonné, de conjoint d'abonné ou de cotitulaire d'un contrat d'abonnement.

Ils ne démontrent pas non plus qu'ils ont personnellement subi un préjudice distinct de celui causé auxdits abonnés ni qu'une faute, qui ne saurait se déduire de la seule non-conformité aux normes en vigueur de l'eau distribuée, puisse être imputée à la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX.

Leurs demandes ne sauraient prospérer tant sur le fondement de l'article 1147 du Code Civil dans le cadre de relations contractuelles étendues que sur celui des articles 1382 et 1383 du même code régissant la responsabilité délictuelle.

 

L'EXÉCUTION PROVISOIRE, LES DÉPENS ET LES FRAIS IRREPETIBLES

La nécessité d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement n'est pas établie.

La COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX, dont les prétentions auront été sur l'essentiel, c'est-à-dire sur la qualité de l'eau distribuée, écartées, sera condamnée aux dépens et, par voie de conséquence, déboutée de sa demande en paiement d'une somme de 10 000,00 F fondée sur les dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

L'équité commande, conformément aux dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, d'allouer aux abonnés ou cotitulaires d'un contrat d'abonnement, la somme de 300,00 F pour chaque branchement au réseau et de débouter les autres demandeurs de leurs demandes en paiement d'une somme de 500,00 F fondée sur le texte précité.

 

 

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,

DÉCLARE les demandeurs recevables en leur action ;

CONDAMNE la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX à payer :
- à Mme... la somme de 2 000,00 F à titre de dommages-intérêts et celle de 300,00 F en vertu des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- à M... et Mme..., ensemble, la somme de 2 000,00 F à titre de dommages-intérêts et celle de 300,00 F en vertu des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- à Mme... la somme de 2 000,00 F à titre de dommages-intérêts et celle de 300,00 F en vertu des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- à M... et Mme..., ensemble, la somme de 2 000,00 F à titre de dommages-intérêts et celle de 300,00 F en vertu des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- à Mme... la somme de 2 000,00 F à titre de dommages-intérêts et celle de 300,00 F en vertu des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- à M... la somme de 2 000,00 F à titre de dommages-intérêts et celle de 300,00 F en vertu des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- à M... la somme de 2 000,00 F à titre de dommages-intérêts et celle de 300,00 F en vertu des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- à M... la somme de 2 000,00 F à titre de dommages-intérêts et celle de 300,00 F en vertu des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- à M... la somme de 2 000,00 F à titre de dommages-intérêts et celle de 300,00 F en vertu des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- à M... et Mme..., ensemble, la somme de 2 000,00 F à titre de dommages-intérêts et celle de 300,00 F en vertu des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- à M... la somme de 2 000,00 F à titre de dommages-intérêts et celle de 300,00 F en vertu des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- à M... la somme de 2 000,00 F à titre de dommages-intérêts et celle de 300,00 F en vertu des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

DÉBOUTE Mme..., Mme..., M... et Mme... de toutes tes leurs demandes ;

REJETTE toutes autres prétentions, plus amples ou contraires ;

CONDAMNE la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX aux dépens.

 

Ainsi jugé et prononcé en Audience Publique, au lieu et les jour, mois et an susdits.

(...)

 


 

Usagers c/ SYNDICAT INTERCOMMUNAL DES EAUX DE ROCHEFORT SAMSON (SIERS)

(...)

Sept communes du canton du BOURG EN PÉAGE se sont regroupées au sein du Syndicat Intercommunal des Eaux de ROCHEFORT SAMSON -SYNDICAT INTERCOMMUNAL DES EAUX DE ROCHEFORT SAMSON- pour exploiter en régie directe leurs réseaux de distribution d'eau potable.

Par actes d'huissier des 14 février et 26 avril 1995, soixante-six habitants de ces communes, se plaignant de la non-conformité de l'eau distribuée aux normes fixées par la législation en vigueur et plus spécialement d'une teneur excessive en nitrates, ont fait citer le Syndicat Intercommunal des Eaux de ROCHEFORT SAMSON devant le Tribunal d'Instance de ROMANS afin qu'il soit condamné, avec exécution provisoire, à leur payer, à chacun d'eux la somme de 13 410,00 F, ramenée à 9 855,00 F en ce qui concerne M... et Mme..., à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice et correspondant au prix d'achat de bouteilles d'eau dans le commerce, celle de 4 000,00 F à titre de dommages-intérêts en réparation à leur préjudice moral et celle de 500,00 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Les demandeurs exposent que, depuis 1991, la concentration des nitrates dans l'eau qui leur est fournie excède le taux maximal de 50 mg/litre fixé par la directive européenne n° 80-778 du 15 juillet 1980, le décret n° 89-3 du 3 janvier 1989, le décret n° 91-527 du 7 mars 1991 et la circulaire ministérielle n° 1325 du 9 juillet 1990 et que les manquements du Syndicat à son obligation de résultat, les ont contraints à acheter des bouteilles d'eau pour leur alimentation.

Le Syndicat dénie la qualité d'abonné à certains des demandeurs.

Le Syndicat soutient, sur le fond, qu'il a parfaitement rempli son obligation de livrer une eau potable au sens de la circulaire du 9 juillet 1990 prise en application du décret du 3 janvier 1989 et qu'il a toujours mis en oeuvre les obligations de moyens et d'information qui lui incombent.

Subsidiairement, le Syndicat fait valoir qu'il s'est trouvé, en raison de la lenteur de l'administration, devant une situation présentant les caractéristiques de la force majeure et conteste la réalité des préjudices allégués par des consommateurs qui déclarent avoir découvert le résultat des analyses à la fin de l'année 1994.

Le Syndicat sollicite reconventionnellement la condamnation des demandeurs à lui payer la somme de 20 000,00 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et chacun d'eux celle de 1 000,00 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

En revanche, ne sont pas applicables au présent litige les dispositions du décret n° 91-257 du 7 mars 1991, modifiant le décret du 3 janvier 1989, en ce qu'elles concernent les eaux douces superficielles.

 

LES FINS DE NON RECEVOIR

Les habitants des communes adhérentes au Syndicat, consommateurs de l'eau distribuée par le service des eaux, ont, même en l'absence de lien contractuel, un intérêt et le droit d'agir pour obtenir réparation du préjudice que leur aurait éventuellement causé la non-conformité de l'eau, à charge pour eux d'établir ce préjudice et de démontrer que la responsabilité du SYNDICAT INTERCOMMUNAL DES EAUX DE ROCHEFORT SAMSON est engagée à leur égard.

Les fins de non-recevoir tirées du défaut de qualité d'abonné constituent en réalité des moyens de défense au fond.

Les demandeurs seront donc déclarés recevables en leur action.

 

LES DEMANDES PRINCIPALES

La circulaire du 9 juillet 1990, tout en rappelant que le taux maximum de concentration en nitrates de 50 mg/litre, précise que "du point de vue de la santé publique, il peut être admis la consommation d'eau ayant une teneur comprise ente 5O et 100 mg/litre, sauf pour les femmes enceintes et les nourrissons de moins de six mois".

La circulaire prévoit en outre qu'en cas de dépassement du seuil de 50 mg/litre et dans la mesure où aucune dérogation ne peut être accordée dans les conditions prévues par la directive et le décret,

Cette circulaire qui s'adresse aux pouvoirs publics et se borne à interpréter les textes en vigueur en examinant les conséquences d'un dépassement du seuil réglementaire de 50 mg/litre, ne fixe pas de nouvelles normes de qualité qui s'imposeraient au juge chargé de trancher le litige opposant l'usager au fournisseur.

 

LES DEMANDES RECONVENTIONNELLES

Le SYNDICAT INTERCOMMUNAL DES EAUX DE ROCHEFORT SAMSON réclame, sans les produire, le paiement d'un certain nombre de factures.

Bien que les consignations alléguées par les demandeurs soient inopérantes faute d'avoir été autorisées ou ordonnées, il n'appartient pas au Tribunal de se substituer au comptable public seul habilité à émettre un titre de perception pour recouvrer les redevances dues au Syndicat.

Les prétentions émises de ce chef par le SYNDICAT INTERCOMMUNAL DES EAUX DE ROCHEFORT SAMSON seront donc écartées.

Le SYNDICAT INTERCOMMUNAL DES EAUX DE ROCHEFORT SAMSON ne rapporte pas la preuve des abus qu'il impute aux demandeurs. Il sera débouté de ses demandes de dommages-intérêts pour procédure et résistance abusives.

 

L'EXÉCUTION PROVISOIRE, LES DÉPENS ET LES FRAIS IRREPETIBLES

La nécessité d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement n'est pas établie.

Le SYNDICAT INTERCOMMUNAL DES EAUX DE ROCHEFORT SAMSON, dont les prétentions auront été sur l'essentiel, c'est-à-dire sur la qualité de l'eau distribuée, écartées, sera condamné aux dépens et, par voie de conséquence, débouté de ses demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

L'équité commande, conformément aux dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, d'allouer aux abonnés ou cotitulaires d'un contrat d'abonnement, la somme de 300,00 F pour chaque branchement au réseau et de débouter les autres demandeurs de leurs demandes en paiement d'une somme de 500,00 F fondée sur le texte précité.

M... et Mme..., Mme..., M... et Mme..., M... et Mme..., M... et Mme..., M..., M... et Mme..., M... et Mme..., Mme..., M... et Mme..., M..., M..., Mme..., M... et Mme..., M... et Mme..., Mme..., M... et Mme..., M... et Mme..., M... et Mme..., M..., M... et Mme..., M... et Mme..., M... et Mme..., M..., M... et Mme..., M... et Mme..., M..., M..., M..., M... et Mme..., Mme..., M... et Mme..., Mme..., M... et Mme..., Mme... et M... justifient suffisamment de leur qualité d'abonné ou de cotitulaire du contrat en produisant des factures libellées à leur nom ou à celui de leur conjoint ainsi que des fiches d'état civil.

Ces abonnés ne peuvent à la fois prétendre avoir constaté le 19 octobre 1994 l'ampleur du défaut de conformité et de sa durée et été contraints d'acheter des bouteilles d'eau dans le commerce pendant plusieurs années.

Ces mêmes abonnés sont, par contre, fondés à se prévaloir de l'acquisition de bouteilles d'eau depuis le 19 octobre 1994 pour pallier la carence du SYNDICAT INTERCOMMUNAL DES EAUX DE ROCHEFORT SAMSON

En tenant compte de la gêne occasionnée par une livraison imparfaite et du recours à des fournisseurs extérieurs justifié par une légitime prudence mais en l'absence d'atteinte à l'intégrité physique et sans retenir le calcul purement théorique proposé par les demandeurs, le Tribunal est en mesure de fixer, toutes causes confondues, à la somme de 2 000,00 F par branchement au réseau le montant du préjudice subi par les abonnés susnommés.

M..., M..., Mme..., Mme..., M..., Mme..., M..., Mlle..., M..., M... ne justifient pas de leur qualité d'abonné, de conjoint d'abonné ou de cotitulaire d'un contrat d'abonnement. Ils ne démontrent pas non plus qu'ils ont personnellement subi un préjudice distinct de celui causé auxdits abonnés ni qu'une faute, qui ne saurait se déduire de la seule non-conformité aux normes en vigueur de l'eau distribuée, puisse être imputée à la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX.

Leurs demandes ne sauraient prospérer tant sur le fondement de l'article 1147 du Code Civil dans le cadre de relations contractuelles étendues que sur celui des articles 1382 et 1383 du même code régissant la responsabilité délictuelle.

Le Syndicat Intercommunal des Eaux de ROCHEFORT-SAMSON présente enfin une demande incidente tendant à la condamnation de trente des demandeurs au paiement de factures de consommation d'eau et la condamnation de chacun d'entre-eux à 500,00 F de dommages- intérêts pour résistance abusive.

Les demandeurs précisent que leur action est fondée non seulement sur le non-respect des obligations contractuelles du SYNDICAT INTERCOMMUNAL DES EAUX DE ROCHEFORT SAMSON mais également sur la directive européenne n° 85-374 en matière de produits défectueux.

Les demandeurs répliquent enfin que le montant des factures dont le paiement est réclamé a été consigné entre les mains du Bâtonnier de l'ordre des avocats au Barreau de VALENCE.

Après que les avocats des parties eurent été entendus en leurs plaidoiries à l'audience du 25 janvier 1996, l'affaire a été mise en délibéré pour prononcé du jugement à l'audience du 14 mars 1996.

En cours de délibéré, les demandeurs ont déposé au greffe des documents qui n'ont pas été expressément réclamés par le Tribunal et qui n'ont pas été communiqués à leur adversaire.

Ces documents, qui n'ont pas fait l'objet d'un débat contradictoire, n'ont pas été joints au dossier.

Le jugement a été rendu le 14 mars 1996.

 

LES FAITS

Les rapports d'analyse versés aux débats révèlent que l'eau distribuée par le SYNDICAT INTERCOMMUNAL DES EAUX DE ROCHEFORT SAMSON aux habitants des communes adhérentes présente, depuis 1991, une teneur en nitrates presque toujours supérieure à 60 mg/litre et toujours supérieure à 50 mg/litre.

Les résultats de ces analyses ne sont pas contestés.

 

LE CONTRAT

Aux termes des demandes d'abonnement souscrites par le consommateurs et du règlement du service d'eau potable le SYNDICAT INTERCOMMUNAL DES EAUX DE ROCHEFORT SAMSON s'engage à fournir, moyennant redevances une eau destinée "aux besoins domestiques" (cf. demande d'abonnement), préservant constamment les qualités imposées par les services sanitaires" (cf. règlement du service).

Les parties n'ont pas qualifié le contrat qui les lie. S'agissant d'une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose et l'autre à la payer, le fournisseur et l'abonné sont liés par un contrat de vente régi par le dispositions des articles 1582 et suivants du code civil.

L'obligation de délivrance incombant au vendeur en vertu des dispositions de l'article 1603 du code civil est un obligation de résultat.

En toute hypothèse, le contrat serait-il nommé contrat de vente ou qualifié de prestation de service, l'obligation de délivrance portant sur une chose de genre serait encore une obligation de résultat.

 

LES TEXTES

L'article L 19 du code de la santé publique (ordonnance n° 58-1265 du 20 décembre 1958, article 1er), dispose que quiconque offre au public de l'eau en vue de l'alimentation humaine, à titre onéreux ou à titre gratuit et sous quelque forme que ce soit, est tenu de s'assurer que cette eau est propre à la consommation.

Le décret n° 89-3 du 3 janvier 1989 transcrit en droit interne la directive CEE n 80-778 du 15 juillet 1980 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine.

En vertu des dispositions de ce décret et de son annexe I.1.B., la concentration des nitrates dans de telles eau doit être inférieure à 50 mg/litre, le "niveau guide" fixé par la directive étant de 25 mg/litre. L'article 3 de ce même décret précise de manière limitative les circonstances et les conditions dans lesquelles une dérogation aux exigences de qualité peut être accordée.

La circulaire ministérielle n° 1325 du 9 juillet 1990 rappelle la limite de 50 mg/litre et l'objectif de 25 mg/litre pour exposer ensuite les conséquences juridiques et sanitaires des dépassements éventuellement enregistrés.

Le SYNDICAT INTERCOMMUNAL DES EAUX DE ROCHEFORT SAMSON ne démontre ni d'ailleurs ne soutient qu'il a obtenu ou qu'il pouvait obtenir une dérogation au taux maximum de concentration en nitrates de 5O mg/litre.

Le fait que les pouvoirs publics ont estimé opportun de tolérer un dépassement de ce taux n'a pas pour autant libéré le Syndicat de son obligation contractuelle de livrer à ses abonnés une eau présentant co