Tribunal Administratif de Lyon du 14/12/1993 n° 90-02551, 90-02571, 90-02598, 92-00019, 90-00020, 92-02060, 92-04441, 92-04900, 92-05202, 93-00862 et 93-02003 Monsieur Paul X... et autres  

 

 

REQUÊTES :

 

1° N° 90-02551 présentée par Monsieur Paul X... tendant à l'annulation de la délibération du 29 octobre 1990 par laquelle le conseil municipal de SAINT-ÉTIENNE a fixé le prix de l'eau pour les années 1991 et 1992 et a approuvé les annexes tarifaires relatives aux mêmes années

2° N° 90-02571 présentée par (noms, prénoms et adresses d'usagers) tendant à l'annulation de la délibération du 29 octobre 1990 par laquelle le conseil municipal de SAINT-ÉTIENNE a fixé le prix de l'eau pour les années 1991 et 1992, et a approuvé les annexes tarifaires relatives aux mêmes années

3° N° 90-02598 présentée par l'association ÉTUDE CONSOMMATION, le COMITÉ DÉPARTEMENTAL DES ASSOCIATIONS FAMILIALES LAÏQUES et la CONFÉDÉRATION SYNDICALE DU CADRE DE VIE tendant à l'annulation de la délibération du 29 octobre 1990 par laquelle le conseil municipal de SAINT-ÉTIENNE a fixé le prix de l'eau pour les années 1991 et 1992 et a approuvé les annexes tarifaires relatives aux mêmes années

4° N° 92-00019 présentée par (noms, prénoms et adresses d'usagers) tendant à l'annulation de la délibération du 4 novembre 1991 par laquelle le conseil municipal de SAINT-ÉTIENNE a approuvé les tarifs de l'eau à appliquer pour l'année 1992

5° N° 90-00020 présentée par l'association ÉTUDE CONSOMMATION et le COMITÉ DÉPARTEMENTAL DES ASSOCIATIONS FAMILIALES LAÏQUES tendant à l'annulation de la délibération du 4 novembre 1991 par laquelle le conseil municipal de SAINT-ÉTIENNE a approuvé les tarifs de l'eau à appliquer pour l'année 1992

6° N° 92-02060 présentée par la SOCIÉTÉ ANONYME TARTARY tendant à ce que le tribunal constate l'illégalité des décisions de fixation du prix de l'eau prises par la ville de SAINT-ÉTIENNE, lui accorde décharge de la partie excédentaire des sommes qui ont été mises à sa charge par factures du service des eaux et de l'assainissement de la ville de SAINT-ÉTIENNE et condamne la ville à lui payer 8 000 francs sur le fondement de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel

7° N° 92-04441 présentée par (noms, prénoms et adresses d'usagers) tendant à l'annulation de la délibération du 7 septembre 1992 par laquelle le conseil municipal de SAINT-ÉTIENNE a approuvé le contrat de concession du service des eaux

8° N° 92-04900 présentée par le SYNDICAT CFDT INTERCO-LOIRE, le SYNDICAT CGT DES OUVRIERS ET EMPLOYÉS DE LA VILLE DE SAINT-ÉTIENNE, le SYNDICAT UFICT-CGT DES INGÉNIEURS CADRES TECHNICIENS DES SERVICES MUNICIPAUX DE LA LOIRE et le SYNDICAT FO DES MUNICIPAUX DE LA VILLE DE SAINT-ÉTIENNE tendant à l'annulation de la délibération n° 567 du 7 septembre 1992 par laquelle le conseil municipal de SAINT-ÉTIENNE a approuvé les contrats de concession des services des eaux et de l'assainissement aux groupements formés par la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX et la LYONNAISE DES EAUX-DUMEZ et a autorisé le maire à les signer

9° N° 92-05202 présentée par (noms, prénoms et adresses d'usagers) tendant à l'annulation de la délibération n° 567 du 7 septembre 1992 par laquelle le conseil municipal de SAINT-ÉTIENNE a approuvé les contrats de concession des services des eaux et de l'assainissement aux groupements formés par la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX et la LYONNAISE DES EAUX-DUMEZ et a autorisé le maire à les signer

10° N° 93-00862 présentée par la SOCIÉTÉ ANONYME TARTARY tendant à :
- l'annulation de la délibération n° 490 du 9 juillet 1992 par laquelle le conseil municipal de SAINT-ÉTIENNE a approuvé le principe de délégation de gestion par concession de ses services de distribution d'eau et d'assainissement à une entité regroupant à parité la LYONNAISE DES EAUX-DUMEZ et la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX à compter du 1er octobre 1992
- l'annulation de la délibération n° 567 du 7 septembre 1992 par laquelle le conseil municipal de SAINT-ÉTIENNE a approuvé les contrats de concession des services des eaux et de l'assainissement aux groupements formés par la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX et la LYONNAISE DES EAUX-DUMEZ et a autorisé le maire à les signer
- l'annulation de la clause à caractère réglementaire du contrat de concession du service de l'eau prévoyant le mode d'indexation du prix de l'eau
- la condamnation de la ville de SAINT-ÉTIENNE à lui payer 25 000 francs au titre des frais irrépétibles

11° N° 93-02003 présentée par la SOCIÉTÉ ANONYME TARTARY tendant à ce que le tribunal :
- ordonne qu'il soit sursis à l'exécution de la délibération n° 490 du 9 juillet 1992 par laquelle le conseil municipal de SAINT-ÉTIENNE a approuvé le principe de délégation de gestion par concession de ses services de distribution d'eau et d'assainissement à une entité regroupant à parité la LYONNAISE DES EAUX-DUMEZ et la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX à compter du 1er octobre 1992 ainsi que la délibération n° 567 du 7 septembre 1992 par laquelle le conseil municipal de SAINT-ÉTIENNE a approuvé les contrats de concession des services des eaux et de l'assainissement aux groupements formés par la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX et la LYONNAISE DES EAUX-DUMEZ et a autorisé le maire à les signer, notamment en ce que ces deux délibérations fixent les tarifs de fourniture d'eau potable
- condamne la ville de SAINT-ÉTIENNE à lui payer une provision de 25 000 francs à valoir sur les sommes dues ultérieurement au titre des frais irrépétibles

 

Vu le code des communes ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 86-14 du 6 janvier 1986

 

Considérant que, par se délibération n° 1109 en date du 29 octobre 1990, le conseil municipal de SAINT-ÉTIENNE a fixé le prix du mètre cube d'eau potable distribuée par la régie municipale  6,20 francs pour 1991 et à 7,90 francs pour 1992 ; que cette délibération a été déférée à la censure du tribunal par les requêtes susvisées n° 90-02571, de Monsieur Paul X..., 90-0251, de Monsieur Jean-Louis Y... et autres, et 90-02598, de l'association ÉTUDE ET CONSOMMATION et autres ; que, par sa délibération n° 924 du 4 novembre 1991, ledit conseil municipal a retiré cette première délibération en tant qu'elle portait approbation des tarifs de vente du mètre cube d'eau potable et des annexes tarifaires pour 1992, et que, par une délibération n° 925 du même jour, il a, de nouveau, fixé le prix du mètre cube d'eau potable à 7,90 francs pour l'année 1992 ; que cette dernière délibération a fait l'objet des requêtes susvisées n° 92-00019, de Monsieur Jean-Louis Y... et 92-00020, de l'association ÉTUDE ET CONSOMMATION et autres ; que, par ailleurs, la SOCIÉTÉ ANONYME TARTARY, par une requête n° 92-02060, a porté devant le tribunal le litige qui l'oppose  la VILLE DE SAINT-ÉTIENNE sur le paiement du prix de l'eau résultant des délibérations précédemment querellées ; que, par une délibération n° 490 du 9 juillet 1992, le conseil municipal a approuvé le principe de la délégation de gestion par concession de son service de distribution d'eau potable, puis, par une délibération n° 567 du 7 septembre 1992, il a approuvé le contrat de concession de ce service à un groupement constitué par la Compagnie générale des eaux et par la Lyonnaise des eaux-Dumez, et a autorisé son maire à signer ledit contrat ; que ces deux dernières délibérations ont été contestées par les requêtes susvisées n° 93-00862 et 93-02003 de la SOCIÉTÉ ANONYME TARTARY, ainsi que, pour ce qui est de la seule délibération n° 567 du 7 septembre 1992, par les requêtes susvisées n° 92-04441, de Madame Z... et autres, 92-04900, du SYNDICAT CFDT INTERCO-LOIRE et autres, et 92-05202, de Monsieur Marc A... et autres ; qu'ainsi, les requêtes susvisées n° 90-02551, 90-02571, 90-02598, 92-00019, 92-00020, 92-02060, 92-04441, 92-04900, 92-05202, 93-00862 et 93-02003 concernent la même affaire et présentent à juger des questions similaires ; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par un même jugement ;

 

Sur l'étendue du litige concernant la délibération n° 1109 du 29 octobre 1990 fixant le prix du mètre cube d'eau pour les années 1991 et 1992 :

Considérant qu'ainsi qu'il a été rappelé, par délibération n° 924 du 4 novembre 1991, le conseil municipal de SAINT-ÉTIENNE a retiré partiellement sa délibération du 29 octobre 1990 en ce qu'elle portait approbation des tarifs de vente du mètre cube d'eau potable et des annexes tarifaires pour 1992 ; qu'il suit de là que les conclusions de la requête n° 90-02571 dirigées contre les décisions rapportées par le moyen qu'elles méconnaîtraient le principe de l'annualité budgétaire, n'ont plus d'objet ;

 

Sur les fins de non-recevoir opposées par la VILLE DE SAINT-ÉTIENNE :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposées à la requête n° 90-02571 de Monsieur Jean-Louis Y... et autres :

Considérant e parmi les signataires de la requête figure Monsieur Jean-Louis Y..., lequel, comme usager du service public de distribution de l'eau potable de SAINT-ÉTIENNE, a intérêt lui donnant qualité à demander l'annulation de la délibération attaquée ; que, dans ces conditions, la circonstance que les autres requérants ne pouvaient légalement donner mandat à Monsieur Jean-Louis Y... pour introduire une requête en leur nom est sans incidence sur la recevabilité de ladite requête ;

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposées à la requête n° 92-00019 de Monsieur Jean-Louis Y... et autres :

Considérant que le mémoire de Monsieur Jean-Louis Y..., enregistré le 10 janvier 1992, se borne à rectifier une erreur commise par les requérants et se rapportant à la production d'une annexe qui n'intéressait pas la présente instance ; qu'ainsi, la circonstance que cette production n'ait pas été signée par Monsieur Jean-Louis Y... est, en tout état de cause, sans incidence sur la recevabilité de la requête ;

 

Sur le prix de l'eau :

Considérant que, lors de sa fixation, le prix d'une prestation ou d'un bien fourni par un service public à caractère industriel ou commercial ne peut exclusivement trouver sa contrepartie, quel que soit le mode de gestion du service, que dans le montant total des dépenses d'investissement et de fonctionnement relatives à la fourniture de ce service ou de ce bien, y compris, éventuellement, les dépenses de renouvellement et de modernisation du service, ainsi que la rémunération du concessionnaire lorsque le service est concédé ;

En ce qui concerne le prix de l'eau pour l'année 1991 fixé par la délibération n° 1109 du 29 octobre 1990 :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de la réunion du conseil municipal du 29 octobre 1990 que le maire de SAINT-ÉTIENNE a demandé à cette assemblée d'approuver l'augmentation du prix de l'eau distribuée par la régie municipale en faisant valoir qu'elle permettrait d'obtenir des ressources supplémentaires pour le  budget général et de faire participer les consommateurs étrangers à la commune au financement de certains équipements, notamment culturels et sportifs, de la VILLE DE SAINT-ÉTIENNE ; que cette proposition a été adoptée, sans qu'il ressorte du même procès-verbal que d'autres motifs auraient été retenus par le conseil municipal ; qu'il suit de là que, même si, en application des dispositions de l'article R 323-11 du Code des communes, l'excédent comptable de la section d'exploitation du budget d'un service public à caractère industriel et commercial doté de la seule autonomie financière, constaté au terme d'un exercice peut, sous certaines conditions, être reversé à la collectivité locale de rattachement, le prix de l'eau a été arrêtés, dès la date de sa fixation, pour couvrir des dépenses étrangères au service de distribution de l'eau potable ; qu'ainsi, les requérants sont fondés à soutenir que le conseil municipal a entaché sa délibération de détournement de pouvoir et qu'il y a lieu de faire droit à leurs conclusions à fin d'annulation ;

En ce qui concerne le prix de l'eau pour l'année 1992 fixé par la délibération n° 925 du 4 novembre 1991 :

Considérant que le prix de l'eau, qui avait déjà été fixé à 6,20 francs par mètre cube pour l'année 1991 par la délibération précédemment annulée a été porté à 7,90 francs pour l'année 1992 ; qu'alors que la précédente augmentation avait déjà permis de dégager un excédent reversé au budget général de la VILLE DE SAINT-ÉTIENNE, il ne ressort pas des pièces du dossier que la nouvelle augmentation ait eu, effectivement, pour contrepartie la réalisation d'un programme d'investissement en justifiant le montant ; que, d'ailleurs, ainsi qu'il a déjà été dit, le conseil municipal, après avoir retiré partiellement sa délibération du 29 octobre 1990 en ce qu'elle fixait le prix de l'eau pour 1992 à 7,90 fracs par mètre cube, pour la raison qu'elle ne respectait pas la règle de l'annualité budgétaire, a adopté une nouvelle délibération identique ; qu'ainsi, les requérants sont fondés à soutenir qu'en réalité, le conseil municipal a poursuivi les mêmes objectifs que lors de sa délibération du 29 octobre 1990, et que la décision attaquée est également entachée de détournement de pouvoir ; qu'en conséquence, il y a lieu d'annuler ladite délibération ;

 

Sur les conclusions de la requête n° 92-02060 :

Considérant que, par la requête susvisée, la SOCIÉTÉ ANONYME TARTARY conteste, devant le tribunal, les factures qui lui ont été adressées et les commandements qui ont été décernés à son encontre pour le paiement de l'eau qui lui a été fournie par le service de distribution d'eau de SAINT-ÉTIENNE ; que subsidiairement, la société requérante demande que le tribunal se prononce, à titre préjudiciel, sur la légalité des délibérations du conseil municipal de SAINT-ÉTIENNE, DES 29 octobre 1990 et 4 novembre 1991 fixant le prix de l'eau ;

En ce qui concerne l'exception d'incompétence opposées par le maire de SAINT-ÉTIENNE à l'encontre des conclusions relatives au paiement de l'eau :

Considérant que le service de distribution d'eau de la VILLE DE SAINT-ÉTIENNE constitue un service public à caractère industriel et commercial ; que le litige est relatif à la facturation faite par ledit service ; qu'un tel litige, portant sur le bien-fondé d'une redevance qui constitue la rémunération d'un service public à caractère industriel et commercial relève des juridictions judiciaires ; que, dès lors, la VILLE DE SAINT-ÉTIENNE est fondée à soutenir que les conclusions de la société requérante tendant à l'annulation des factures et des commandements, ainsi qu'au remboursement des sommes trop versées, doivent être rejetées comme étant portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

En ce qui concerne les conclusions à fin d'appréciation de la légalité des délibérations des 29 octobre 1990 et 4 novembre 1991 :

Considérant qu'un recours en appréciation de la légalité d'un acte administratif ne saurait être valablement introduit qu'à la suite d'une décision d'une juridiction de l'ordre judiciaire renvoyant à la juridiction administrative l'examen de la question préjudicielle de la légalité d'une décision administrative à laquelle est subordonnée la solution d'un litige dont ladite juridiction judiciaire se trouve saisie ;

Considérant qu'en l'espèce, le Tribunal de Grande Instance de Saint-Étienne, saisi par la SOCIÉTÉ ANONYME TARTARY de conclusions tendant à l'annulation de commandements délivrés à son encontre par la VILLE DE SAINT-ÉTIENNE, et à la condamnation de la VILLE DE SAINT-ÉTIENNE à lui rembourser les sommes trop perçues, s'est borné à surseoir à statuer jusqu'à ce que le Tribunal Administratif, déjà saisi de plusieurs recours dirigés contre les délibérations fixant le prix de l'eau, ait statué sur la validité desdites délibérations ; qu'ainsi, il n'a pas renvoyé de question préjudicielle au tribunal ; que, par suite, et sans que la SOCIÉTÉ ANONYME TARTARY puisse utilement se prévaloir de ce que la VILLE DE SAINT-ÉTIENNE aurait expressément consenti à ce que soit posée au Tribunal Administratif une question préjudicielle, les conclusions de la société requérante à fin d'appréciation de légalité sont irrecevables ;

 

Sur le principe de la concession :

En ce qui concerne l'intervention de la SOCIÉTÉ STÉPHANOISE DES EAUX dans la requête n° 93-00862 :

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que la SOCIÉTÉ STÉPHANOISE DES EAUX s'est substituée de plain droit, en application des stipulations de l'article 1er du contrat de concession, à la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX et à la LYONNAISE DES EAUX-DUMEZ en qualité de concessionnaire du service des eaux de la VILLE DE SAINT-ÉTIENNE ; que, dès lors, les conclusions de la SOCIÉTÉ ANONYME TARTARY sont susceptibles de préjudicier à ses droits ; que son intervention doit être admise ;

En ce qui concerne les conclusions de la requête n° 93-00862 à fin d'annulation de la délibération n° 490 du 9 juillet 1992 approuvant le principe de la concession du service de distribution d'eau potable :

Considérant qu'à l'appui de ses conclusions dirigées contre la délibération susvisée approuvant le principe de la concession du service de distribution d'eau potable, la SOCIÉTÉ ANONYME TARTARY soulève des moyens relatifs au prix de l'eau et au montant de la redevance à la charge du concessionnaire ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès verbal de la délibération du conseil municipal, que ladite délibération s'est bornée à approuver le principe de la délégation de gestion par concession du service, et a expressément renvoyé à une séance ultérieure l'approbation du contrat de concession stipulant le montant de la redevance, ainsi que la fixation du tarif et du barème du service ; qu'en conséquence, les moyens invoqués sont sans incidence sur la légalité de la délibération attaquée, et qu'il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions tendant à l'annulation de cette dernière ;

 

Sur la délibération n° 567 du 7 septembre 1992 par laquelle le conseil municipal de SAINT-ÉTIENNE a approuvé le contrat de concession du service des eaux :

En ce qui concerne la légalité externe de la délibération attaquée :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par la VILLE DE SAINT-ÉTIENNE :

Considérant, en premier lieu, que les auteurs de la requête susvisée n° 92-04441, qui se prévalent de leur qualité de conseillers municipaux de la VILLE DE SAINT-ÉTIENNE, font valoir qu'ils n'ont pas pu s'exprimer lors du débat précédant l'adoption de la délibération litigieuse, et que celle-ci n'a fait l'objet d'aucun vote ;

Considérant, cependant, qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du procès verbal de la séance du 7 septembre 1992 que plusieurs conseillers municipaux figurant parmi les requérants ont pu exprimer leur opinion sur la concession du service public de l'eau ; que, par ailleurs, l'adoption d'une délibération par le conseil municipal doit être regardée comme régulièrement acquise dès lors que l'assentiment de la totalité ou de la majorité des conseillers présents a pu être constaté par le maire ou le président de séance ; qu'il ressort du procès verbal qu'à la suite d'un vote à main levée, la majorité des conseillers présents a manifesté son approbation ; qu'il suit de là que les moyens susanalysés manquent en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L 121-15 du code des commues : "Les séances sont publiques" ; que les syndicats qui ont formé la requête n° 92-04900 soutiennent que le public a été empêché d'accéder à la salle de réunion du conseil municipal ; que, cependant, il ressort du constat d'huissier qu'ils produisent qu'à l'instant où cet officier ministériel a eu accès à la salle d'audience, six places restaient disponibles sur les bancs du public, un autre constat d'huissier versé au dossier par le maire de SAINT-ÉTIENNE atteste que, dès l'ouverture de la séance, la salle publique était entièrement occupée, puis que des personnes se sont absentées ; que, dans ces conditions, les syndicats requérants n'apportent pas la preuve de ce que le caractère public de la séance n'a pas été respecté, et qu'il y a lieu, par suite, de rejeter leur requête ;

En ce qui concerne la légalité interne de la délibération attaquée :

Considérant qu'eu égard aux moyens qu'elle soulève, la SOCIÉTÉ ANONYME TARTARY doit être regardée comme contestant la légalité de la délibération querellée en tant, uniquement, qu'elle approuve les articles 5, 32 et 33 du contrat de concession, fixant respectivement la redevance à la charge du concessionnaire, le prix de l'eau ainsi que son mode d'indexation ; que lesdites stipulations sont dissociables du surplus du contrat ;

 

Des conclusions tendant à l'annulation de la délibération attaquée en tant qu'elle approuve l'article 5 du contrat de concession fixant la redevance à la charge du concessionnaire :

Considérant qu'en tant qu'elle approuve l'article 5 du contrat de concession qui fixe la redevance à la charge du concessionnaire, la délibération attaquée ne fait pas grief à la SOCIÉTÉ ANONYME TARTARY, laquelle ne se prévaut que de sa seule qualité d'usager du service public ; que, dès lors, la VILLE DE SAINT-ÉTIENNE est fondée à soutenir que les conclusions sus-analysées de la requête sont irrecevables et qu'il y a lieu de les rejeter ;

 

Des conclusions tendant à l'annulation de la délibération attaquée en tant qu'elle approuve l'article 32 du contrat de concession fixant le prix de l'eau :

Considérant que la règle précédemment énoncée, selon laquelle, lors de sa fixation, le prix de l'eau distribuée par un service public à caractère industriel et commercial ne peut exclusivement trouver sa contrepartie que dans le montant total des dépenses d'investissement et de fonctionnement relatives à la fourniture de l'eau, trouve à s'appliquer quel que soit le mode de gestion du service ; que, notamment, la collectivité locale de rattachement ne peut, en dehors de toute préoccupation soit de prise en charge de l'endettement du service, soit de renouvellement ou de modernisation des installations mises à la disposition du concessionnaire, rechercher la rémunération du capital correspondant aux dites installations ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le prix de l'eau, fixé, comme il a été dit, à 6,20 francs par mètre cube pour l'année 1991 et à 7,90 francs pour l'année 1992, a été ramené à 7,55 francs par l'article 32 du contrat de concession litigieux ; qu'aux termes des stipulations de l'article 5 dudit contrat la société concessionnaire s'est engagée, d'une part, à prendre en charge l'endettement du service de l'eau en remboursant les annuités, en intérêts et principal, des emprunts contractés par la ville pour le service de l'eau jusqu'en 1992, d'autre part, à verser à la ville des redevances ayant pour contrepartie l'occupation du domaine public, le droit d'exploiter le service de l'eau et l'usage des installations mises à sa disposition ; que ces redevances sont constituées, d'une part, d'une somme de 350 000 000 francs versée en trois tranches de 1992 à 1994, d'autre part, d'une redevance annuelle de 19 000 000 francs dont l'indexation est par ailleurs prévue ; qu'il ressort tant des stipulations du contrat que du mémoire en intervention de la société concessionnaire et du montant des redevances que celles-ci sont la contrepartie, pour leur plus grand part, du droit d'usage des installations mises à disposition ; que, dès lors, le prix de l'eau tel qu'il a été approuvé a incorporé non seulement le coût de la modernisation ou de l'extension du réseau ainsi que les charges financières relatives aux emprunts déjà réalisés, mais également la rémunération, au profit de la ville, du capital correspondant à ces installations ; qu'à supposer même que le conseil municipal n'ait pas ainsi eu l'intention de continuer à mettre à la charge des consommateurs le financement des investissements de la ville, notamment culturels ou sportifs, comme au cours des années précédentes, il a, par suite, entaché sa délibération d'une erreur de droit ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, la SOCIÉTÉ ANONYME TARTARY est fondée à demander l'annulation de la délibération attaquée en tant qu'elle approuve les stipulations de l'article 32 du contrat de concession ;

 

Des conclusions tendant à l'annulation de la délibération attaquée en tant qu'elle approuve l'article 33 du contrat de concession fixant le mode d'indexation du prix de l'eau :

Considérant que l'article 33 du contrat de concession de l'eau consommée , "les paramètres... utilisés pour une facturation, seront ceux connus au milieu de la période de consommation concernée par cette facturation" ;

Considérant que ladite clause a ainsi pour effet de faire supporter rétroactivement par les consommateurs, pour la première moitié de la période de consommation, une hausse de tarif dont les éléments de base n'étaient pas déterminés au moment où la consommation ainsi tarifée s'est produite ; qu'elle a dès lors méconnu le principe en vertu duquel les règlements ne disposent que pour l'avenir ; qu'il suit de là que la SOCIÉTÉ ANONYME TARTARY est fondée à demander l'annulation de la délibération litigieuse en tant qu'elle approuve l'article 33 du contrat de concession fixant le mode d'indexation du prix de l'eau ;

 

Sur les conclusions tendant à l'annulation partielle du contrat de concession :

Considérant que, dans un mémoire enregistré le 18 octobre 1993, la SOCIÉTÉ ANONYME TARTARY soutient qu'elle ne demande pas l'annulation du contrat de concession, mais uniquement de celle des délibérations autorisant le maire à le signer ; qu'elle doit être ainsi regardée comme s'étant désistée, purement et simplement, das conclusions de son mémoire introductif d'instance tendant à l'annulation de certaines clauses dudit contrat ; qu'il y a lieu de lui en donner acte ;

 

Sur les requêtes n° 90-02551, 90-02598, 92-00020 et 92-05202 :

En ce qui concerne les requêtes n° 90-02551 et 90-02598 :

Considérant que les requêtes n° 90-02551 et 90-02598 tendant à l'annulation de la délibération du conseil municipal de SAINT-ÉTIENNE n° 1109 du 29 octobre 1990, qui a été partiellement retirée par une délibération du 4 novembre 1991 et dont le surplus a été annulé par le présent jugement, n'ont plus d'objet ; qu'il suit de là qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions desdites requêtes ;

En ce qui concerne la requête n° 92-00020 :

Considérant que la requête n° 92-00020 tendant à l'annulation de la délibération du conseil municipal de SAINT-ÉTIENNE n° 925 du 4 novembre 1991 qui a été annulée par le présent jugement, n'a plus d'objet ; qu'il suit de là qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de ladite requête ;

En ce qui concerne la requête n° 92-05202 :

Considérant que les requérants se bornent à critiquer la délibération susanalysée en tant qu'elle a approuvé le tarif de l'eau fixé par l'article 32 du contrat de concession ; que le présent jugement a annulé partiellement la délibération litigieuse en tant qu'elle a approuvé les articles 32 et 33 dudit contrat de concession ; qu'il suit de là que les conclusions susanalysées sont devenues sans objet ;

 

Sur la capitalisation des intérêts :

Considérant qu'à défaut de conclusions à fin de condamnation ou de restitution, les conclusions des requêtes n° 90-02571 et 92-00019 tendant à la capitalisation des intérêts sont irrecevables ;

 

Sur les frais irrépétibles :

Considérant qu'aux termes de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;

En ce qui concerne la requête n° 90-02571 :

Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions précitées dont Monsieur Jean-Louis Y... doit être regardé comme ayant demandé le bénéfice, de condamner la VILLE DE SAINT-ÉTIENNE à lui payer la somme de 700 francs ;

En ce qui concerne la requête n° 92-00019 :

Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions précitées dont Monsieur Jean-Louis Y... doit être regardé comme ayant demandé le bénéfice, de condamner la VILLE DE SAINT-ÉTIENNE à lui payer la somme de 700 francs ;

En ce qui concerne la requête n° 92-02060 :

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel que la partie requérante succombant à l'instance n'est pas fondée à demander à son profit le paiement des frais irrépétibles, et qu'ainsi, ses conclusions en ce sens doivent être rejetées ;

En ce qui concerne la requête n° 93-00862 :

Considérant qu'en application des dispositions précitées de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, il y a lieu de condamner la VILLE DE SAINT-ÉTIENNE, qui succombe à l'instance, à payer à la SOCIÉTÉ ANONYME TARTARY la somme de 15 000 francs ;

 

Sur les conclusions de la requête n° 93-02003 à fin de sursis à exécution :

Considérant que le présent jugement a statué sur les conclusions aux fins d'annulation et de versement des frais irrépétibles présentées par la SOCIÉTÉ ANONYME TARTARY ; qu'ainsi, les conclusions de la société requérante aux fins de sursis à exécution et de paiement des frais irrépétibles à valoir sur la condamnation finale dont devenues sans objet ;

 

[admission de l'intervention de la SOCIÉTÉ STÉPHANOISE DES EAUX ; annulation des délibérations du conseil municipal de SAINT-ÉTIENNE du 29 octobre 1990, du 4 novembre 1991 et du 7 septembre 1992 ; condamnation de la VILLE DE SAINT-ÉTIENNE à payer la somme de 1 400 F à Monsieur Jean-Louis GAGNAIRE et la somme de 15 000 F à la SOCIÉTÉ ANONYME TARTARY ; non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête n° 90-02571 ; rejet du surplus des conclusions]

Messieurs Levasseur, conseiller-rapporteur ; Viargues, président ; Bourrachot, commissaire du gouvernement, Mes Chavent, Vier, Bonnard, Mazetiers, avocats