TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE LYON

9703454 - 9703485 - 9703486

ASSOCIATION "EAU : SERVICE PUBLIC" 
et autres 

CHARLIN 
Rapporteur

DAVESNE 
Commissaire du Gouvernement

Audience du 2 mai 2001 
Lecture du 16 mai 2001 

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS 

 

Le Tribunal administratif de LYON 
(2ème chambre) 

 

LE LITIGE

1/ - L'association "EAU : SERVICE PUBLIC", dont le siège social est 28, rue André Chénier à SAINT ETIENNE (42100), représenté par son président en exercice, a saisi le tribunal administratif d'une requête, enregistrée au greffe le 5 septembre 1997, sous le n°9703454;

2/ - Monsieur François X..., Monsieur Marcel Y..., Monsieur Guy Z..., et Monsieur Bertrand A..., ont saisi le tribunal administratif d'une requête, enregistrée le 9 septembre 1997, sous le n0 9703485

3/ - L'association "INDECOSA", dont le siège social est Bourse du travail à SAINT-ETIENINE (42028), représentée par son secrétaire, a saisi le tribunal administratif d'une requête, enregistrée le 9 septembre 1997, sous le n° 9703486;

Les requérants demandent :
- l'annulation de la délibération n° 403 du 7 juillet 1997, par laquelle le conseil municipal de SAINT-ETIENNE a approuvé l'avenant n° 8 au contrat de concession de distribution d'eau potable,
- la condamnation de la ville de SAINT-ETIENNE à verser à chacun d'eux une somme de 5 000 F en application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel;

 

Par trois mémoires présentés par Me VIER, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation, et enregistrés le 12 juillet 1999, la ville de SAINT ETIENNE, représentée par son maire, conclut au rejet des requêtes et demande la condamnation des requérants à lui verser la somme de 10 000 F en application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel;

 

L'INSTRUCTION DES AFFAIRES

En application de l'article R. 154 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la clôture de l'instruction a été fixée, pour les trois affaires, au 15 décembre 2000 à 16 h 30, par ordonnance du 15 novembre 2000;

En application de l'article R. 157 du même code, l'instruction a été rouverte, pour les trois affaires, jusqu'au 19 janvier 2001, par ordonnance du 20 décembre 2000;

 

L'AUDIENCE

Les parties ont été régulièrement averties de l'audience publique qui a eu lieu le 2 mai 2001

À cette audience, le Tribunal, assisté de Madame CASTELLARIN, greffière, a entendu:

- le rapport de Monsieur CHARLIN, conseiller,
- les observations de Monsieur BERTHON, représentant l'association "EAU : SERVICE PUBLIC", de Me MAZETIER, substituant Me VIER, avocat de la ville de SAINT-ETIENNE et de Me RICHER, avocat de la société STEPHANOISE DES EAUX;
- les conclusions de Monsieur DAVESNE, commissaire du gouvernement;

 

LA DECISION

Après avoir examiné la requête, la délibération attaquée, ainsi que les mémoires et les pièces produits par les parties avant la clôture de l'instruction, et vu les textes suivants:

- le code des communes,
- la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 modifiée relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques,
- le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et la loi n° 86-14 du 6 janvier 1986,
- le code de justice administrative,

 

 

LE TRIBUNAL

 

Considérant que les requêtes susvisées sont relatives à une même affaire et présentent à juger les mêmes questions ; qu'ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul jugement;

 

Sur l'intervention de la Société STEPHANOISE DES EAUX:

Considérant que la délibération attaquée approuvant un avenant à des conventions à laquelle la Société stéphanoise des eaux est partie, l'intervention de cette dernière au soutien de la dite délibération est recevable;

 

Sur la légalité de la délibération attaquée:

Considérant, en premier lieu, que le prix d'une prestation ou d'un bien fourni par un service public à caractère industriel ou commercial ne peut trouver sa contrepartie, quel que soit le mode de gestion du service, que dans le montant des dépenses d'investissement et de fonctionnement relatives à la fourniture de cette prestation ou de ce bien, y compris éventuellement les dépenses de renouvellement et de modernisation du service, ainsi que, le cas échéant, la rémunération du concessionnaire;

Considérant que, pour fixer par délibération du 7 juillet 1997 à 7,64 F au mètre cube, le tarif de la fourniture d'eau potable applicable aux factures émises postérieurement à la date d'entrée en vigueur de ladite délibération, le conseil municipal de SAINT-ETIENNE a notamment retenu au titre des charges de fonctionnement de la Société STEPHANOISE DES EAUX, pouvant être incorporées dans la détermination dudit prix, les redevances pour occupation du domaine public de la ville au versement desquelles est assujettie ladite société, en vertu du contrat de concession;

Considérant qu'aux termes de l'article 40 de la loi susvisée du 29 janvier 1993 modifiée:
"(...) Les conventions de délégation de service public ne peuvent contenir de clauses par  lesquelles le délégataire prend à sa charge l'exécution de services ou de paiements étrangers à l'objet de la délégation. Les montants et les modes de calcul des droits d'entrée et des redevances versées par le délégataire à la collectivité délégante doivent être justifiés dans ces conventions. Le versement par le délégataire de droits d'entrée à la collectivité  délégante est interdit quand la délégation concerne l'eau potable, l'assainissement ou les ordures ménagères et autres déchets (..) ";

Considérant que la Société stéphanoise des eaux est, aux termes des stipulations du contrat de concession, assujettie au versement à la ville de SAINT-ETIENNE d'une redevance annuelle en contrepartie de l'occupation du sous-sol de la voie publique par les canalisations qui ont été mises à sa disposition ; qu'il ressort des pièces du dossier que cette redevance a été calculée sur la base du tarif de 17 F par mètre-linéaire, fixé par une délibération du conseil municipal en date du 2 décembre 1996 relative aux occupations du domaine public communal ; que si, d'une part, les redevances d'occupation du domaine public doivent être calculées en fonction non seulement de la valeur locative d'une propriété privée comparable à la dépendance du domaine public pour laquelle l'occupation est consentie, mais aussi de l'avantage spécifique que constitue le fait d'être autorisé à jouir d'une façon privative d'une partie du domaine public ainsi que des sujétions qui en découlent pour la collectivité dont relèvent ces dépendances et si, d'autre part, la Société STEPHANOISE DES EAUX peut être regardée, du fait de l'utilisation des canalisations publiques mises à sa disposition par le contrat de concession, comme un occupant du domaine public routier, et puisse être soumise à ce titre au versement de redevances, les requérants n'établissent pas que le tarif critiqué ne serait pas justifié par la nature et l'importance des sujétions que constitue pour la commune, la présence de canalisations sous les voies publiques communales ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe général du droit n'obligeant le conseil municipal de SAINT-ETIENNE à retenir un tarif inférieur au tarif général fixé pour ce mode d'occupation de son domaine public, le taux de la redevance n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; que, si, par l'effet de la capitalisation du montant annuel des redevances d'occupation du domaine public communal, y compris celle due pour le réseau d'assainissement, la Société Stéphanoise des Eaux doit à la ville de SAINT ETIENNE une somme de 388 000 000 F compensant ainsi le montant du droit d'entrée que la ville, en raison de son caractère illégal, s'était engagée à rembourser, l'identité des sommes en cause et les conséquences finales de cette opération financière pour la ville ne sont de nature à établir, ni le caractère excessif des redevances versées, ni l'existence d'un détournement de pouvoir; qu'il n'est pas démontré, dans ces conditions, que la redevance dont s'agit ne constitue pas une charge réelle et justifiée dans son montant du fonctionnement du service de distribution de l'eau potable, constituant, à ce titre, un élément du prix de revient devant être légalement incorporé dans la détermination du tarif unitaire de fourniture de l'eau;

Considérant, en deuxième lieu, que la fixation de tarifs différents applicables, pour un même service rendu, à diverses catégories d'usagers de ce service, implique, à moins qu'elle ne soit la conséquence nécessaire d'une loi, soit qu'il existe entre les usagers des différences de situation appréciables, soit qu'une nécessité d'intérêt général en rapport avec les conditions d'exploitation du service commande cette mesure ; que le principe d'égalité au respect duquel est tenu un service public industriel et commercial s'apprécie ainsi entre usagers placés dans des situations analogues;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le barème dégressif du tarif applicable aux livraisons effectuées aux usagers stéphanois du service de l'eau comporte une dixième tranche fixant le prix du m3 d'eau à 25 % du tarif de base au delà d'une consommation de 1 500 000 m3 que par l'importance du volume d'eau nécessaire à l'exécution des diverses missions d'intérêt général qui lui incombent, les besoins en eau de la ville de SAINT ETIENNE sont différents de ceux des autres usagers ; que, dans ces conditions, la délibération en litige, qui a une portée générale, même si elle ne trouve à s'appliquer qu'à un seul usager, ne méconnaît pas le principe d'égalité entre les usagers du service;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association "EAU: SERVICE PUBLIC", Monsieur François X..., Monsieur Marcel Y..., Monsieur Guy Z... et Monsieur Bertrand A... et l'association "INDECOSA" ne sont pas fondés à demander l'annulation de la délibération du 7 juillet 1997, par laquelle le conseil municipal de SAINT-ETIENNE a approuvé l'avenant n° 8 au contrat de concession de distribution d'eau potable;

 

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative:

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative: "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mânes considérations; dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation"; que ces dispositions font obstacle à ce que la ville de SAINT-ETIENNE, qui n'est pas la partie perdante, soit condamnée à payer aux requérants la somme de 5 000 F demandée par chacun d'eux au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de condamner les requérants à payer à la ville de SAINT-ETIENNE la somme de 10 000 F en application de l'article L. 761-1 précité;

 

 

DECIDE

Article 1er: L'intervention de la Société STEPHANOISE DES EAUX est admise.  

Article 2 : Les requêtes    9703454, 9703485 et 9703486 de l'association "EAU : SERVICE PUBLIC", Monsieur François X..., Monsieur Marcel Y..., Monsieur Guy Z..., Monsieur Bertrand A... et de l'association "INDECOSA" sont rejetées.  

Article 3 : Les conclusions de la ville de SAINT ETIENNE tendant à ce que les requérants lui versent une somme de 10 000 F en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.  

Article 4 : Le présent jugement sera notifié conformément aux dispositions de l'article R. 751-3 du code de justice administrative.

 

Délibéré à l'issue de l'audience du 2 mai 2001, où siégeaient:  

LANZ, président, CHARLIN et Madame LEDEY, conseillers, assistés de Madame CASTELLARIN, greffière,