Cour de Cassation (1° chambre civile) du 26/05/1999 n° 97-17.500, arrêt n° 1013 COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX

(...)

Sur le pourvoi formé par la  Compagnie générale des eaux, société anonyme, en cassation d'un jugement rendu le 6 mars 1997 par le tribunal d'instance de Juvisy-sur-Orge, au profit :
1- de Monsieur Jean-Pierre X...,
2- de Mademoiselle Catherine Y..., défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Moyen produit par la SCP Vier et Barthélémy, avocat aux Conseils pour la compagnie Générale des Eaux.

MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR débouté la compagnie générale des eaux de sa demande tendant au règlement par deux abonnés, Monsieur Jean-Pierre X... et Mademoiselle Catherine Y..., d'un dépôt de garantie de 452 F, prévu à l'article 93 du Règlement du Service des Eaux ;

AUX MOTIFS QU'une telle clause, qui a pour objet de mettre à la charge des cocontractants de la CGE le paiement d'un dépôt de garantie dont le montant n'est pas non plus fixé par aucune autre disposition contractuelle, apparaît nulle au regard des dispositions de l'article 1129 du code civil, comme ayant pour effet de mettre à la charge des défendeurs une obligation dont le montant est indéterminé et susceptible d'être fixé unilatéralement par la CGE, en fonction d'éléments qui n'ont pas été contractuellement convenus (p. 2 et 3) ;

ALORS QUE D'UNE PART, le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office en l'espèce le moyen pris de la nullité pour indétermination du prix de l'obligation de verser un dépôt de garantie prévu à l'article 93 du Règlement du Service des Eaux, sans qu'il résulte des mentions du jugement relatives à l'exposé des débats que la question ait été soulevée par les parties, ni que celles-ci aient été mises en mesure de présenter leurs observations, le tribunal a violé l'article 16 du nouveau code de procédure civile ;

ALORS QUE D'AUTRE PART, le Règlement du Service des Eaux, adoptées par le Syndicat des Eaux d'Ile de France est un acte administratif réglementaire dont les tribunaux de l'ordre judiciaire ne peuvent apprécier la légalité et qu'ils ne peuvent davantage arguer de nullité ; qu'en déclarant d'office entaché de nullité au regard de l'article 1129 du code civil, l'article 93 dudit Règlement, le tribunal a excédé ses pouvoirs et violé le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires, ensemble la loi des 16 et 24 août 1790 ;

ALORS QUE, de troisième part et subsidiairement, il résulte des termes clairs et précis de l'article 93 du Règlement du Service des Eaux autorisant la CGE à demander à tout abonné le versement d'une provision à titre de dépôt de garantie que le montant de celui-ci, indiqué sur le barème approuvé par le Syndicat, est fixé en fonction du diamètre du compteur; qu'en affirmant cependant que ce montant restait indéterminé et susceptible d'être fixé unilatéralement par la CGE, le tribunal a violé par fausse interprétation les dispositions de cet acte administratif réglementaire ;

ALORS QU'enfin et en toute hypothèse, il en a dénaturé les termes clairs et précis, violant ainsi l'article 1134 du code civil.

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 7 avril 1999, où étaient présents : Monsieur Lemontey, président, Monsieur Bargue, conseiller rapporteur, Monsieur Renard-Payen, conseiller, Monsieur Gaunet, avocat général, Madame Aydalot, greffier de chambre ;

 

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu la loi des 16-24 août 1790 ;

Attendu que la Compagnie générale des eaux (CGE), auprès de laquelle Monsieur Jean-Pierre X... et Mademoiselle Catherine Y... avaient souscrit un contrat d'abonnement d'eau soumis aux clauses et conditions du règlement régissant le service public de distribution des eaux, les a assignés en paiement de la provision à titre de dépôt de garantie, prévue à l'article 93 de ce règlement qu'ils refusaient d'acquitter ;

Attendu que, pour statuer comme il a fait, le jugement attaqué a retenu que la clause litigieuse, qui a pour objet de mettre à la charge des cocontractants de la CGE, le paiement d'un dépôt de garantie dont le montant n'est fixé par aucune autre disposition contractuelle, est nulle au regard des dispositions de l'article 1129 du Code civil ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le règlement du service des eaux adopté par le Syndicat des eaux d'Ile-de-France est un acte administratif réglementaire dont les tribunaux de l'ordre judiciaire ne peuvent apprécier la légalité, le tribunal d'instance a violé le texte susvisé ;

 

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 6 mars 1997, entre les parties, par le tribunal d'instance de Juvisy-sur-Orge ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance d'Evry ;

Condamne Monsieur Jean-Pierre X... et Mademoiselle Catherine Y... aux dépens ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé.

Sur le rapport de Monsieur Bargue, conseiller, les observations de la SCP Vier et Barthélémy, avocat de la Compagnie générale des eaux, les conclusions de Monsieur Gaunet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;  Monsieur LEMONTEY président.