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Cour de cassation (chambre criminelle) arrêt du 26 juin 1995 pourvoi n° 95-82333 Monsieur Alain X..., Monsieur Jean-Louis Y..., Monsieur Jean-Jacques A..., Monsieur Louis D...

 

Cour de cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 26 juin 1995

Pourvoi n° 95-82333
Rejet

Monsieur Alain X...,
Monsieur Jean-Louis Y...,
Monsieur Jean-Jacques A...,
Monsieur Louis D...

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

Rejet des pourvois formés par Monsieur Alain X..., Monsieur Jean-Louis Y..., Monsieur Jean-Jacques A..., Monsieur Louis D..., contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Lyon, en date du 7 avril 1995, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs d'abus de biens sociaux, complicité et recel d'abus de biens sociaux, corruption et complicité, subornation de témoins, a rejeté leurs requêtes en nullité de pièces de la procédure.

 

 

La cour,

Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle de la cour de cassation en date du 28 avril 1995 ordonnant la jonction des pourvois et prescrivant leur examen immédiat ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense et les observations complémentaires présentées après dépôt du rapport ;

 

 

Attendu que, dans l'information en cause, il est reproché à Monsieur Alain X..., qui était maire de Grenoble depuis 1983, ministre délégué à l'environnement de mars 1986 à mai 1988 et ministre de la communication d'avril 1993 à juillet 1994 ainsi qu'à Monsieur Jean-Louis Y..., son chargé de mission, puis son conseiller, dans ces deux postes ministériels :

  1. d'avoir fait financer et racheter en 1989, par des filiales de la société LYONNAISE DES EAUX, dont Monsieur Louis D... était le directeur régional à Grenoble et Monsieur Jean-Jacques A... le directeur général, le groupe DAUPHINÉ NEWS, ayant édité à l'occasion des élections municipales de mars 1989 des publications favorables à Monsieur Alain X..., et qui laissait des pertes de l'ordre de 12 millions de francs
  2. d'avoir fait financer, par le groupe MERLIN et la société LYONNAISE DES EAUX de 1989 à 1993, la société WHIP, constituée entre Monsieur Jean-Louis Y..., sa soeur, deux autres membres des cabinets de Monsieur Alain X... et la holding du groupe MERLIN, alors que cette société, immatriculée le 23 juin 1988, a, d'une part, acheté le 19 décembre 1988, au prix de 7 millions de francs, à une filiale immobilière du groupe MERLIN qui le donnait à bail depuis le 12 mars 1986 à Monsieur Jean-Louis Y..., un appartement au 286, boulevard Saint-Germain à Paris, dont trois pièces auraient été occupées entre 1988 et 1993 par Monsieur Alain X... et, d'autre part, aurait rémunéré des collaborateurs du ministre ayant quitté le service public ou désirant cumuler des emplois
  3. d'avoir fait prendre en charge par le groupe MERLIN, entre 1984 et 1993, à hauteur de 4 millions de francs environ, le transport de Monsieur Alain X... par avions privés, le plus souvent entre Grenoble et Paris, mais aussi à l'étranger, pour des déplacements familiaux ou de loisirs

Attendu qu'il est apparu que ces divers avantages pouvaient, en application d'un pacte de corruption, être la contrepartie de la concession du service des eaux de la ville de Grenoble accordée pour 25 ans, entre juillet et octobre 1989, à la COGESE, filiale commune de la LYONNAISE DES EAUX et du groupe MERLIN ;

Attendu qu'enfin, Monsieur Alain X... et Monsieur Jean-Louis Y... auraient, au cours de l'information, exercé des pressions sur des témoins, notamment Monsieur Monsieur Marc-Michel Z..., Monsieur Patrick E..., secrétaire général de la mairie de Grenoble, Madame Véronique K..., membre du cabinet du ministre de la communication et Madame Pierrette M... ;

En cet état ;

 

Sur le premier moyen de cassation proposé par Monsieur Alain X... et pris de la violation des articles 173, 52, 90, 186 du code de procédure pénale :

« il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le moyen de nullité des actes de la procédure tiré de ce que le juge d'instruction et les juridictions de droit commun étaient incompétentes pour connaître des faits qui étaient susceptibles d'avoir été commis par Monsieur Alain X... dans l'exercice de ses fonctions de ministre, et auraient relevé de la compétence exclusive de la cour de justice de la République ;

alors que la chambre d'accusation étant saisie d'une demande de nullité de la procédure sur le fondement de l'article 173 du code de procédure pénale, en l'absence de tout déclinatoire de compétence, n'avait pas le pouvoir de trancher une question de compétence dont elle n'était pas régulièrement saisie ; qu'elle a ainsi excédé ses pouvoirs ; »

Attendu qu'ayant lui-même saisi la chambre d'accusation, sur le fondement de l'article 173 du code de procédure pénale, d'une requête en annulation des pièces de la procédure à compter du 6 octobre 1994, à raison de l'incompétence du juge d'instruction, le demandeur ne saurait reprocher aux juges d'avoir excédé leurs pouvoirs en statuant sur cette demande ; qu'au demeurant, l'incompétence du juge est une cause de nullité des actes accomplis par lui en dehors de ses attributions légales et peut être soulevée en tout état de la procédure ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

 

Sur le deuxième moyen de cassation de Monsieur Alain X... pris de la violation des articles 68-1, 68-2 de la constitution, 13 et 14 de la loi organique du 23 novembre 1993, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, excès de pouvoir :

« en ce que l'arrêt attaqué a rejeté le moyen de nullité des actes de la procédure tiré de ce que le juge d'instruction et les juridictions de droit commun étaient incompétentes pour connaître des faits qui étaient susceptibles d'avoir été commis par Monsieur Alain X... dans l'exercice de ses fonctions de ministre, et auraient relevé de la compétence exclusive de la cour de justice de la République ;

aux motifs que les faits dont est saisi le magistrat instructeur n'ont pas été commis dans l'exercice des fonctions ministérielles de Monsieur Alain X... et que la juridiction de droit commun reste compétente pour connaître des faits commis par un membre du gouvernement en dehors de l'exercice de ses fonctions ;

alors qu'il appartient à la cour de justice de la République seule de déterminer si les faits actuellement reprochés à un ministre auraient été commis par celui-ci dans l'exercice ou en dehors de ses fonctions de ministre ; que la juridiction d'instruction de droit commun devait, dès lors que la question du lien entre certains faits et les fonctions ministérielles d'un mis en examen était posée, en renvoyer l'examen à la cour de justice de la République et notamment à la commission des requêtes de cette cour ; qu'en statuant elle-même sur cette question préjudicielle échappant à sa compétence, la chambre d'accusation a excédé ses pouvoirs et méconnu les textes précités ; »

Attendu qu'il ne saurait être fait grief à la chambre d'accusation d'avoir statué elle-même sur la compétence de la juridiction de droit commun sans renvoyer la question préjudicielle à la cour de justice de la République, dès lors qu'il appartient à tout juge d'apprécier sa propre compétence et qu'aucune dérogation n'est apportée à ce principe, ni par l'article 68-1 de la constitution, ni par la loi organique du 23 novembre 1993 ;

D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;

 

Sur le troisième moyen de cassation de Monsieur Alain X... pris de la violation des articles 20, 68-1 et 68-2 de la constitution, 13 et 14 de la loi organique du 23 novembre 1993, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

« en ce que l'arrêt attaqué a rejeté le moyen de nullité des actes de la procédure tiré de ce que le juge d'instruction de droit commun était incompétent pour connaître de faits qui étaient susceptibles d'avoir été commis par Monsieur Alain X... dans l'exercice de ses fonctions de ministre, et auraient relevé de la compétence exclusive de la cour de justice de la République ;

aux motifs que les faits reprochés à Monsieur Alain X... ne sont pas liés à sa participation à la détermination et à la conduite de la politique de la nation ; que les actes de complicité et de recel d'abus de biens sociaux portant sur des capitaux ou des biens privés, les actes de corruption liés à l'attribution du service de distribution d'eau de la ville de Grenoble dont il est le maire, sont étrangers à cette participation ;

alors, d'une part, que peuvent être réputés commis par un membre du gouvernement dans l'exercice de ses fonctions des faits qui, sans être le résultat direct de sa participation à la détermination ou à la conduite de la politique de la nation, sont liés à sa qualité et ont été commis à l'occasion de celle-ci ;

alors, d'autre part, que sont nécessairement commis dans l'exercice des fonctions de ministre des faits d'utilisation prétendument irrégulière d'un appartement à Paris ou des services d'une société exploitant des avions privés, dont il résulte sans ambiguïté de l'arrêt attaqué qu'ils ont été commis au moins pour partie pendant l'exercice des fonctions ministérielles de Monsieur Alain X..., et nécessairement liés à l'exercice de ces fonctions qui exigeaient sa présence à Paris ; qu'ainsi, la chambre d'accusation a encore violé les textes précités ;

alors, enfin, que dès lors que partie des faits étaient susceptibles d'avoir été commis dans l'exercice des fonctions ministérielles, l'ensemble de la procédure relevait de la compétence de la cour de justice de la République ; »

Attendu que, pour rejeter le grief d'incompétence du juge d'instruction, la chambre d'accusation retient qu'il résulte de l'article 68-1 de la constitution, tel que modifié par la loi constitutionnelle du 27 juillet 1993, que les juridictions répressives de droit commun peuvent être saisies et conservent leur compétence à l'égard des crimes et délits susceptibles d'avoir été commis par un membre du gouvernement en dehors de l'exercice de ses fonctions, celles-ci étant caractérisées, aux termes de l'article 20 de la constitution, par la participation à la détermination et à la conduite de la politique de la nation ;

Attendu qu'analysant les actes reprochés à Monsieur Alain X..., les juges observent que la relation de corruption se serait établie entre, non pas le ministre, mais le maire de Grenoble et des sociétés commerciales de droit privé, à propos de la concession d'un service public de la collectivité grenobloise et non d'un marché de l'État, et que les recels d'abus de biens sociaux ne porteraient que sur des fonds privés ; que l'utilisation de l'appartement du 286, boulevard Saint-Germain à Paris n'a été qu'occasionnelle lorsque Monsieur Alain X..., étant ministre, disposait d'un logement de fonctions ; qu'enfin, la preuve ne serait pas rapportée que l'utilisation abusive des moyens de transport mis à sa disposition par des sociétés privées soit liée à l'exercice des fonctions ministérielles, Monsieur Alain X... ayant lui-même admis que la plupart des déplacements correspondaient à son activité de maire, et certains pilotes ayant déclaré qu'une fois ministre, celui-ci n'avait plus eu qu'exceptionnellement recours à leurs services ;

Attendu qu'en déduisant de ces éléments l'absence de tout lien entre les faits poursuivis et la fonction ministérielle, la chambre d'accusation a fait l'exacte application des textes visés au moyen ;

Qu'en effet, les actes commis par un ministre dans l'exercice de ses fonctions sont ceux qui ont un rapport direct avec la conduite des affaires de l'État relevant de ses attributions, à l'exclusion des comportements concernant la vie privée ou les mandats électifs locaux ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

 

Sur le premier moyen de cassation proposé par Monsieur Jean-Jacques A... et Monsieur Louis D... pris d'excès de pouvoir, violation des articles 68-1 et 68-2 de la constitution du 4 octobre 1958, 1er et suivants de la loi organique du 27 novembre 1993, 567 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :

« en ce que l'arrêt attaqué a rejeté tous les moyens de nullité soulevés, constaté la régularité de la procédure et ordonné le retour de celle-ci au magistrat instructeur ;

aux motifs que, selon l'article 68-1, compris dans le titre X de la constitution, relatif à la responsabilité pénale des membres du gouvernement, tel que modifié par la loi constitutionnelle du 27 juillet 1993, les membres du gouvernement sont pénalement responsables des actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions et qualifiés crimes et délits au moment où ils ont été commis. Ils sont jugés par la cour de justice de la République ; que ces dispositions excluent la possibilité, pour le ministère public et les particuliers, de mettre en mouvement l'action publique sur toutes les infractions criminelles ou délictuelles dont aurait pu se rendre coupable un membre du gouvernement dans l'exercice de ses fonctions, et d'en saisir les juridictions répressives de droit commun, et imposent à celles-ci de constater leur incompétence lorsqu'il apparaît que certains des actes dont elles sont saisies auraient été commis par un membre du gouvernement dans l'exercice de ses fonctions ; que les juridictions répressives de droit commun peuvent en revanche être saisies et conservent leur compétence à l'égard des crimes ou des délits susceptibles d'avoir été commis par un membre du gouvernement en dehors de l'exercice de ses fonctions ; qu'un ministre, en tant que membre du gouvernement, participe, selon l'article 20 de la constitution, à la détermination et à la conduite de la politique de la nation ; qu'il convient donc, en l'espèce, de rechercher si les actes de recel d'abus de biens sociaux, de corruption et de subornation de témoins pour lesquels l'action publique a été mise en mouvement contre Monsieur Alain X... et du chef desquels il a été mis en examen peuvent être rattachés à sa participation, en sa qualité de ministre délégué à l'environnement du mois de mars 1986 au mois de mai 1988, et de ministre de la communication, du mois d'avril 1993 au mois de juillet 1994, à la détermination et à la conduite de la politique de la nation ; que les actes reprochés à Monsieur Alain X..., à les supposer confirmés, n'entretiendraient aucun lien, direct ou indirect, avec l'exercice des fonctions ministérielles ; que la relation de corruption se serait établie entre, non pas le ministre, mais le maire de Grenoble, es qualités, et des sociétés commerciales de droit privé ; qu'elle aurait porté sur la concession d'un service public de la collectivité grenobloise et non d'un marché de l'État ; que les fonds ou les biens qui auraient été détournés de l'actif des sociétés en cause dans le cadre d'abus et de recel de biens privés ; qu'il est vainement fait valoir en défense que l'utilisation de l'appartement du 286, boulevard Saint-Germain à Paris était, selon le témoignage de la gardienne de l'immeuble, parfois occupé par Monsieur Alain X... quand il était ministre de l'environnement entre 1986 et 1988 ; qu'il a, en effet, lui-même déclaré qu'étant ministre, il disposait d'un logement de fonction et se rendait peu dans l'appartement du boulevard Saint-Germain ; que, dès lors, l'utilisation de cet appartement n'était pas liée à l'exercice de fonctions ministérielles par Monsieur Alain X... ; que sur les 41 vols effectués dans les avions de la compagnie SINAIR par Monsieur Alain X..., à l'époque où il était ministre délégué à l'environnement, 7 seulement ont été à destination du Bourget ; que la preuve n'est pas rapportée que l'utilisation abusive des moyens de transport mis à sa disposition par des sociétés privées reprochée à Monsieur Alain X... soit liée à l'exercice de ses fonctions ministérielles ; que, de plus, Monsieur Alain X... a lui-même admis que la plupart des vols correspondaient à son activité de maire ; que cette déclaration se trouve confirmée par le témoignage de l'un des pilotes de la compagnie SINAIR selon lequel, une fois ministre, Monsieur Alain X... n'avait pratiquement plus recours à leurs services ; que le fait que le juge d'instruction ait délivré une commission rogatoire aux fins, notamment, de rechercher et saisir des agendas ministériels couvrant la période où Monsieur Alain X... était ministre de l'environnement ou ministre de la communication ne permet pas d'établir que les faits reprochés à l'intéressé aient été commis dans l'exercice des fonctions de ministre ; que cette mesure d'instruction ne crée aucune présomption relative à l'accomplissement dans l'exercice des fonctions ministérielles des faits dont le magistrat instructeur est saisi, Monsieur Alain X... pouvant détenir en tous lieux où l'appelaient ses diverses fonctions des preuves ou indices utiles à la manifestation de la vérité sans qu'il ne résulte pour autant un lien entre les faits poursuivis et sa fonction ministérielle ; qu'en l'espèce, aucun indice d'un tel lien n'a pu être relevé à un stade quelconque de la procédure ; que l'action publique a été mise en mouvement et l'information conduite contre Monsieur Alain X... par les autorités judiciaires compétentes ;

alors, d'une part, qu'il n'appartient qu'à la commission des requêtes instituée près la cour de justice de la République et à la cour elle-même d'apprécier l'étendue de la compétence de cette juridiction au regard des actes criminels ou délictueux imputés à un membre du gouvernement, ainsi qu'au regard de ceux imputés à ses coauteurs et complices dès lors que ni la loi constitutionnelle du 27 juillet 1993 ni la loi organique du 23 novembre 1993 n'ont formellement exclu la compétence de la cour de justice de la République pour en connaître ; qu'en s'arrogeant le pouvoir de décider de l'incompétence de la cour de justice de la République pour connaître des faits, objets de la poursuite, commis par Monsieur Alain X... alors qu'il exerçait des fonctions ministérielles et, par voie de conséquence, de ceux imputés à ses coauteurs, notamment Monsieur Louis D... et Monsieur Jean-Jacques A..., la chambre d'accusation a entaché sa décision d'excès de pouvoir ;

alors, d'autre part, que, à supposer même que la chambre d'accusation fût compétente pour décider si les faits, objets de la poursuite relevaient ou non de la juridiction de la cour de justice de la République, elle ne pouvait légalement décider qu'ils n'en relevaient pas après avoir constaté que ces faits n'étaient pas entièrement étrangers à l'exercice par Monsieur Alain X... de ses responsabilités ministérielles, dès lors qu'elle relevait qu'il se rendait, fût-ce peu, dans l'appartement du boulevard Saint-Germain quand il était ministre de l'environnement entre 1986 et 1988 et qu'un certain nombre des vols, fussent-ils limités, effectués dans les avions de la compagnie SINAIR correspondaient à l'activité ministérielle de l'intéressé ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, en limitant arbitrairement les fonctions des ministres au sens de l'article 68-1 de la constitution aux seuls actes accomplis en application de son article 20, la chambre d'accusation a violé les textes susvisés ; »

Attendu qu'en l'absence de prorogation de la compétence de la cour de justice de la République aux coauteurs ou complices des membres du gouvernement, le moyen n'est pas recevable ;

 

Sur le quatrième moyen de cassation proposé par Monsieur Alain X..., pris de la violation des articles 80 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, excès de pouvoir, manque de base légale :

« en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler les actes D 66, D 42, D 101 du dossier, la commission rogatoire du 3 août 1994 et tous les actes établis en exécution de cet acte, ainsi que toute la procédure subséquente et notamment un interrogatoire de Monsieur Alain X... du 6 septembre 1994 ;

aux motifs que ces actes étaient parfaitement justifiés à titre d'investigations sur le mobile des abus de biens sociaux commis au préjudice des sociétés du groupe MERLIN ou de la LYONNAISE DES EAUX, et de recels commis par les personnes interrogées ; que le juge d'instruction n'a pas procédé ou fait procéder à des actes excédant sa saisine à l'époque considérée ;

alors qu'à la date des actes d'instruction incriminés, le juge d'instruction n'était saisi que d'actes relatifs à des abus de biens sociaux commis au préjudice de sociétés qui auraient été conduites à renflouer des caisses de journaux édités dans la région de Grenoble pour le compte de Monsieur Alain X... ; que le juge d'instruction n'était saisi ni de faits d'abus de biens sociaux qui auraient été commis au détriment ou au travers de la société WHIP, ni de faits de corruption qui auraient été commis à l'occasion de la concession du marché privé de l'eau à Grenoble ; qu'en enquêtant, de l'aveu même de la chambre d'accusation, sur le mobile des abus de biens sociaux, c'est-à-dire sur le point de savoir si le renflouement des journaux avait été la contrepartie de cette concession, et sur les prestations fournies par la société WHIP à Monsieur Alain X... dont il recherchait également si elles étaient une contrepartie de ce marché, alors qu'il n'était encore saisi ni des uns ni des autres, avant le réquisitoire du 9 septembre 1994 pour la société WHIP et celui du 11 octobre 1994 pour la corruption, le juge d'instruction a excédé les limites de sa saisine et que la chambre d'accusation devait donc annuler l'ensemble des actes irréguliers et toute la procédure subséquente ; »

 

Sur le cinquième moyen de cassation proposé par Monsieur Jean-Louis Y..., pris de la violation des articles 80, 170 à 175, 186-1, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

« en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler la procédure pour absence de saisine régulière du juge d'instruction, et ce à partir de la commission rogatoire du 3 août 1994 et en tout cas à compter du procès-verbal de première comparution du 16 septembre 1994 ;

aux motifs que la commission rogatoire du 3 août 1994 (D 824), le procès-verbal du 5 septembre 1994, effectué en exécution de celle-ci (D 229) et l'interrogatoire réalisé par le magistrat instructeur de Monsieur Jean-Louis Y... avaient essentiellement pour objet de déterminer comment avaient été utilisées les sommes versées soit par le groupe MERLIN soit par la société LYONNAISE DES EAUX et susceptibles de provenir d'abus de biens sociaux commis par les dirigeants de ces sociétés ; qu'ainsi, la commission rogatoire du 3 août 1994 a donné mission aux délégataires notamment d'obtenir toutes précisions sur le rôle de Monsieur Jean-Louis Y... dans le cadre des sociétés du groupe DAUPHINÉ NEWS et dans le cadre du contrat de privatisation des eaux évoquée par Monsieur Patrick E... ; que cette demande d'investigations était justifiée dans le cadre de la saisine par les contradictions résultant des déclarations respectives de Monsieur Alain X... et de Monsieur Patrick E... ci-dessus visées, et nécessaire pour identifier les personnes susceptibles d'avoir été en rapport avec les dirigeants des sociétés du groupe MERLIN et de la LYONNAISE DES EAUX, Monsieur Alain X... soutenant que Monsieur Jean-Louis Y... ne venait que rarement à Grenoble et n'avait pas été mandaté par lui pour suivre le dossier technique de la concession du service des eaux bien qu'il fût occasionnellement l'avocat de la ville de Grenoble (D 199) ; que le magistrat instructeur a, le 6 septembre 1994, interrogé Monsieur Alain X... au sujet du contrat de concession du service des eaux de la ville de Grenoble (D 199) ; qu'une partie des déclarations faites par Monsieur Jean-Louis Y... lors de sa première comparution portent sur la concession du service des eaux de la ville de Grenoble (D 271) ; que ces interrogatoires étaient parfaitement justifiés à titre d'investigation sur le mobile des abus de biens sociaux commis au préjudice des sociétés du groupe MERLIN ou de la LYONNAISE DES EAUX et des recels susceptibles d'avoir été commis par les personnes interrogées ; qu'ainsi il n'apparaît pas que le magistrat instructeur ait procédé ou fait procéder à des actes dépassant sa saisine à l'époque considérée ;

alors que le réquisitoire fixe la limite de la saisine du juge d'instruction quant aux infractions ; que le juge ne peut instruire que sur les faits expressément indiqués dans l'acte qui le saisit ; que les réquisitoires introductif du 7 février 1994 et supplétifs des 19 mai et 9 septembre 1994 ne concernaient que des faits d'abus de biens sociaux et de recel d'abus de biens sociaux ; que le juge n'a été saisi de faits de corruption que par le réquisitoire supplétif du 11 octobre 1994 ; que toute recherche concernant la concession du marché des eaux à la COGESE relevait de l'enquête sur une éventuelle corruption et non de celle relative aux abus de biens sociaux et recels ; qu'en ordonnant le 3 août 1994 une commission rogatoire portant sur cette concession, et en posant à Monsieur Alain X... le 6 septembre 1994 et à Monsieur Jean-Louis Y... le 16 septembre 1994, des questions relatives à cette concession, le juge a dépassé le cadre de sa saisine ; qu'en refusant de l'admettre, la chambre d'accusation a violé les textes susvisés ; »

Les moyens étant réunis ;

Attendu que Monsieur Alain X... et Monsieur Jean-Louis Y... font grief au juge d'instruction d'avoir dépassé sa saisine, limitée à l'origine aux abus de biens sociaux en faveur de DAUPHINÉ NEWS, en étendant ses investigations à leur éventuelle contrepartie sur le marché de l'eau à Grenoble par sa commission rogatoire du 3 août 1994, exécutée le 5 septembre 1994, et par les interrogatoires de Monsieur Alain X..., le 6 septembre 1994, et de Monsieur Jean-Louis Y..., le 16 septembre 1994, avant d'être saisi des faits de corruption par le réquisitoire supplétif du 11 octobre 1994 ;

Attendu que, pour rejeter les requêtes en annulation de ces pièces et de la procédure subséquente, la chambre d'accusation relève que les actes critiqués avaient essentiellement pour objet de déterminer l'utilisation des sommes provenant des abus de biens sociaux du groupe MERLIN et de la société LYONNAISE DES EAUX, sans anticiper sur l'hypothèse d'une corruption ; que les interrogatoires des intéressés étaient justifiés par la recherche du mobile de ces abus de biens sociaux ;

Attendu qu'en cet état, l'arrêt attaqué n'encourt pas les griefs allégués ;

D'où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis ;

 

Sur le cinquième moyen de cassation proposé par Monsieur Alain X... pris de la violation des articles 80, 81 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

« en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler le réquisitoire supplétif du 9 septembre 1994 (coté D 230) ;

alors d'une part, que ce réquisitoire qui se borne à faire état de "faits non visés au réquisitoire introductif" et de la communication de "pièces les constatant", et à requérir une information des chefs d'abus de biens sociaux et de recels d'abus de biens sociaux à l'encontre de Monsieur Marc-Michel Z... et autres, dans une procédure déjà suivie de ces mêmes chefs à l'encontre notamment de Monsieur Marc-Michel Z..., sans préciser en quoi ces faits seraient nouveaux par rapport à ceux déjà objet de l'instruction, ni quels seraient ces faits, et sans aucune référence à des documents précis a une porté tellement vague et générale qu'il ne peut avoir saisi le juge d'instruction de faits précis susceptibles de définir et limiter sa saisine ; qu'il devait donc être annulé ;

alors, d'autre part, que la défense faisait valoir que plusieurs réquisitoires avaient été délivrés le même jour et que le réquisitoire litigieux ne se référait pas à la procédure en cours, à laquelle il a été joint ; qu'en effet, le réquisitoire litigieux qui ne porte aucun numéro de procédure, se réfère à une instruction ouverte des chefs de recels et complicités d'abus de biens sociaux à l'encontre de 4 personnes au nombre desquelles Monsieur Alain X... ne figure pas, alors qu'il a été joint à une procédure ouverte également du chef d'abus de biens sociaux à l'encontre de 5 personnes dont Monsieur Alain X... ; qu'il ne concernait donc pas la présente procédure et ne pouvait donc élargir la saisine du juge d'instruction ; que la chambre d'accusation aurait donc dû annuler ce réquisitoire et l'ensemble des actes pris pour son exécution ; »

Attendu que, pour refuser d'annuler le réquisitoire supplétif du 9 septembre 1994, pris contre Monsieur Marc-Michel Z... et tous autres des chefs d'abus de biens sociaux et recels d'abus de biens sociaux, l'arrêt attaqué constate que cet acte, daté et signé par le procureur de la République, et visant la procédure d'information initialement instruite contre Monsieur Marc-Michel Z..., constitue la réponse du parquet à l'ordonnance de soit-communiqué du 6 septembre 1994, ce que confirme sa place dans la procédure cotée, directement à la suite de ladite ordonnance et des pièces qui y sont jointes ;

Attendu qu'en cet état, l'arrêt attaqué n'encourt pas les griefs allégués ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

 

Sur le sixième moyen de cassation proposé par Monsieur Alain X... pris de la violation des articles 114, 116, 117 et 593 du code de procédure pénale, 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, violation des droits de la défense :

« en ce que la chambre d'accusation a refusé d'annuler l'interrogatoire de Monsieur Alain X... du 12 octobre 1994 (D 385) ;

alors, d'une part, qu'il résulte de ce procès-verbal lui-même que les délais de convocation des conseils et de communication du dossier prévus par les textes précités n'ont pas été respectés, les conseils ayant été avisés de l'interrogatoire le jour même de celui-ci, par téléphone ; que cette violation des textes applicables a gravement nui aux intérêts de la défense, nonobstant la présence des conseils, dès lors que le juge d'instruction a immédiatement communiqué à Monsieur Alain X... les deux réquisitoires supplétifs des 9 septembre et 11 octobre 1994, lui a notifié de nouvelles mises en examen, annoncé son intention de le mettre en détention et l'a effectivement placé en détention ; qu'en refusant de constater que cette façon de procéder avait nécessairement nui aux droits de la défense, la chambre d'accusation a violé les textes et principe susvisés ;

alors, d'autre part, qu'un interrogatoire immédiat n'est possible que dans l'une des trois hypothèses d'extrême urgence strictement énumérées par l'article 117 du code de procédure pénale ; qu'aucune de ces hypothèses n'étant caractérisée en l'espèce, les droits de la défense ont été violés ; »

Attendu qu'il résulte de l'arrêt et des pièces de la procédure que, si les avocats de Monsieur Alain X... n'ont pas été convoqués 5 jours ouvrables à l'avance, mais avisés téléphoniquement le jour même par le juge d'instruction, et si la procédure n'a pas été mise à leur disposition 4 jours ouvrables avant l'interrogatoire du 12 octobre 1994, ainsi que le prescrit l'article 114 du code de procédure pénale, ils étaient présents dès le début de cet interrogatoire et ont assisté Monsieur Alain X... lorsque celui-ci a accepté de s'expliquer immédiatement sur les mises en examen supplétives et a renoncé au délai pour préparer sa défense sur l'éventuel placement en détention ;

Attendu qu'en cet état, et dès lors que les avocats de Monsieur Alain X... n'ont formulé aucune réserve sur la régularité de l'interrogatoire, c'est à bon droit que la chambre d'accusation a décidé que la méconnaissance des formalités légales n'avait pas eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie concernée ;

D'où il suit que le moyen est inopérant ;

 

Sur le premier moyen de cassation proposé par Monsieur Jean-Louis Y... pris de la violation des articles 80-1, 114, 116, 170 à 174, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, de l'article 6. 2.1 3 a), b) et c) de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale :

« en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la requête de Monsieur Jean-Louis Y..., tendant à l'annulation des mises en examen supplétives des 12 octobre 1994, 18 novembre 1994 et 25 janvier 1995 ;

aux motifs que la première comparution de Monsieur Jean-Louis Y... qui est intervenue le 16 septembre 1994 répond aux exigences des dispositions des articles 80-1 et 116 du code de procédure pénale et n'est pas critiquée par le requérant ; qu'ayant ainsi assuré les conditions d'un plein exercice des droits de la défense, le magistrat instructeur n'était pas tenu de réitérer cette procédure particulière propre à la première comparution lors de la notification des réquisitions supplétives, les textes n'imposant pas le renouvellement de ces formalités en pareil cas (arrêt, p. 39 alinéas 5 et 6) ;

alors que, lorsqu'après une mise en examen initiale, des faits nouveaux et une mise en examen supplétive sont notifiés à la personne poursuivie, celle-ci relativement à cette partie de l'information, comparaît pour la première fois devant le juge d'instruction ; qu'en conséquence les formalités prévues par l'article 116, alinéas 1 et 3 du code de procédure pénale doivent être renouvelées ; qu'ainsi le juge d'instruction doit aviser la personne mise en examen de son droit de choisir un défenseur qui pourra consulter le dossier, de s'entretenir avec lui hors la présence du juge, de ne faire aucune déclaration et de disposer d'un délai pour préparer sa défense ; qu'en statuant ainsi la cour a violé les textes susvisés ; »

 

Et sur la troisième branche du sixième moyen de cassation de Monsieur Alain X..., prise de la violation de l'article 116 du code de procédure pénale :

« en ce que la chambre d'accusation a refusé d'annuler son interrogatoire du 12 octobre 1994 ;

alors, enfin, que les formalités d'avertissement prévues à l'article 116 du code de procédure pénale doivent être réitérées à chaque mise en examen fût-elle supplétive ; que la chambre d'accusation qui reconnaît expressément que ces formalités, effectuées lors de la première mise en examen de Monsieur Alain X..., n'ont pas été renouvelées lors de la mise en examen du 12 octobre 1994, aurait dû annuler cet acte de procédure ; »

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour écarter les griefs de nullité tirés par Monsieur Alain X... et Monsieur Jean-Louis Y... d'une prétendue violation de l'article 116 du code de procédure pénale lors de leurs mises en examen supplétives des 12 octobre 1994, 18 novembre 1994 et 25 janvier 1995, l'arrêt attaqué énonce que le magistrat instructeur n'était tenu par aucun texte de renouveler à ces occasions les formalités propres à l'interrogatoire de première comparution ;

Attendu qu'en prononçant ainsi et dès lors, au surplus, que les intéressés avaient précédemment fait choix d'un avocat, présent aux interrogatoires, la chambre d'accusation a fait l'exacte application des textes visés aux moyens ;

Qu'en effet il résulte de l'expression "première comparution" employée par l'article 116 précité, et du caractère préliminaire des formalités édictées, que celles-ci ne concernent que les règles à suivre au moment où, la personne mise en examen se trouvant pour la première fois en cette qualité en présence du juge, les garanties de l'information contradictoire liées à l'assistance d'un avocat et au droit de ne faire aucune déclaration ne lui sont pas encore connues ;

D'où il suit que les moyens ne sauraient être admis ;

 

Sur le quatrième moyen de cassation proposé par Monsieur Jean-Louis Y..., pris de la violation des articles 114, 170 à 175, 186-1, 485, 512 et 593 du code de procédure pénale, 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale :

« en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de la procédure, tirée du refus de communication du dossier à la personne mise en examen ;

aux motifs que selon les dispositions de l'article 6, alinéa 3 b) de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, tout accusé a droit notamment à disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ; que l'article 114 du code de procédure pénale, qui dispose que les conseils doivent être convoqués 5 jours ouvrables avant tout interrogatoire des personnes mises en examen, qu'ils peuvent avoir accès à la procédure à tout moment après la première comparution et obtenir copie des pièces, assure l'application de ce principe en droit français ; qu'en outre, en cas de détention provisoire, les articles D. 68 et D. 69 du code de procédure pénale garantissent à la personne mise en examen et détenue une libre communication avec le défenseur choisi, hors la présence de surveillant et dans un parloir spécial ainsi qu'une correspondance avec son conseil exempte de contrôle ; qu'il résulte des différents procès-verbaux d'interrogatoire de Monsieur Jean-Louis Y... que celui-ci a été régulièrement entendu en présence d'un de ses conseils et qu'à aucun moment ceux-ci ou l'intéressé n'ont sollicité du magistrat instructeur le report d'une audition afin de pouvoir plus complètement étudier la procédure et préparer sa défense ; qu'en conséquence, les droits de la défense de Monsieur Jean-Louis Y... n'ont pas été enfreints et qu'il convient de rejeter ce motif de nullité (arrêt, p. 41) ;

alors qu'en application des dispositions de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme, le droit pour tout accusé de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense implique que l'intéressé ait au même titre que son avocat le droit de consulter son dossier ou, à tout le moins, toutes les pièces pouvant avoir une incidence sur l'issue de la procédure ; que, dès lors, en estimant au contraire que la communication des pièces du dossier aux conseils de Monsieur Jean-Louis Y... garantissait suffisamment les droits de la défense, la chambre d'accusation a violé le texte susvisé ; »

Attendu que, pour rejeter la requête de Monsieur Jean-Louis Y... invoquant une nullité de la procédure postérieure à sa mise en détention fondée sur l'impossibilité de consulter et d'étudier lui-même le dossier de l'information le concernant, ni d'en obtenir copie, la chambre d'accusation se prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en statuant ainsi, les juges ont donné une base légale à leur décision ;

Qu'en effet, il résulte de l'article 114 du code de procédure pénale que seuls les avocats des parties peuvent avoir accès au dossier d'une information en cours ou s'en faire délivrer copie pour leur usage exclusif et que, dès lors, une personne mise en examen ne peut avoir connaissance de la teneur d'un tel dossier, sauf exceptions prévues par la loi, que par l'intermédiaire et sous la responsabilité d'un avocat choisi ou commis d'office ; que cette règle n'est en rien contraire aux dispositions de l'article 6.3 d de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel n'impose pas la remise à une personne poursuivie de la copie des pièces du dossier de l'instruction avant sa clôture ;

D'où il suit que le moyen ne peut être retenu ;

 

Sur le deuxième moyen de cassation proposé par Monsieur Jean-Louis Y... pris de la violation des articles 102, 106, 121, 170 à 174, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

« en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler les procès-verbaux d'audition de Monsieur Jean-Louis Y..., établis les 14 et 15 septembre 1994 ainsi que des interrogatoires effectués les 12 octobre 1994, 18 novembre 1994 et 25 janvier 1995 ;

aux motifs que les conseils de Monsieur Jean-Louis Y... sollicitent l'annulation des procès-verbaux d'audition de celui-ci établis les 14 et 15 septembre 1994 par les services du SRPJ de Lyon ainsi que des interrogatoires effectués par le juge d'instruction les 12 octobre 1994, 18 novembre 1994 et 25 janvier 1995 au motif que, n'ayant été à aucun moment délié du secret professionnel par ses clients ni par le bâtonnier de son ordre, Monsieur Jean-Louis Y... aurait été amené à révéler des éléments couverts par le secret ; qu'il résulte des dispositions de l'article 226-13 du code pénal que constitue une infraction pénale la révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire ; que, toutefois, si l'obligation au secret professionnel établie par ce texte s'impose aux avocats comme un devoir de leur fonction, la seule qualité d'avocat n'est pas, pour autant, de nature à assurer l'impunité d'un mandataire lorsqu'il est recherché pour ses fautes personnelles quand bien même celles-ci seraient en relation avec les fautes reprochées à certains de ses clients ; qu'en l'espèce aucune personne ayant la double qualité de comis en examen et d'ancien client de Monsieur Jean-Louis Y..., notamment Monsieur Frédéric B... et Monsieur Monsieur Marc-Michel Z..., ne s'est prévalue d'une violation du secret professionnel ; qu'enfin, Monsieur Jean-Louis Y..., en tant qu'avocat mis en examen, conservait la possibilité d'opposer le secret professionnel à l'occasion des interrogatoires sur le fond si des questions précises dont l'objet était couvert par le secret professionnel devaient être posées ; qu'il n'a pas usé de cette possibilité alors qu'il l'avait fait au sujet du dossier DAUPHINÉ NEWS lors de sa première déposition devant les services de police ; qu'ainsi, Monsieur Jean-Louis Y... ne peut invoquer à son profit une situation qu'il estime contraire aux droits de la défense alors qu'il détenait la possibilité de s'y soustraire (arrêt p. 40) ;

  1. alors qu'en se bornant alors qu'en se bornant à relever que l'avocat poursuivi à raison de ses fautes personnelles ne saurait se retrancher derrière le secret professionnel qui s'impose à lui, à seule fin d'assurer son impunité, sans répondre au chef péremptoire des écritures du demandeur, qui faisait valoir qu'il n'aurait pu révéler les faits litigieux qu'après avoir été délié du secret par ses clients ou par le bâtonnier de l'ordre, la chambre d'accusation qui se détermine par un motif inopérant, a violé l'article 593 du code de procédure pé
  2. alors que dans son malors que dans son mémoire complémentaire, le demandeur a, notamment, fait valoir que parmi les faits révélés au magistrat instructeur, à la demande de ce dernier, certains demeuraient totalement étrangers à ceux pour lesquels l'intéressé avait été mis en examen, et devaient, dès lors, être couverts par le secret professionnel ; qu'ainsi, en se retranchant derrière la circonstance que la personne poursuivie n'était pas recevable à invoquer le secret professionnel à seule fin de dissimuler les fautes personnelles qui lui étaient reprochées, sans répondre à cette argumentation péremptoire, la chambre d'accusation a violé l'article 593 du code de procédure pé »

Attendu que, pour dire n'y avoir lieu d'annuler divers procès-verbaux contenant des déclarations de Monsieur Jean-Louis Y..., selon lui couvertes par le secret professionnel comme portant sur les faits et sur son activité d'avocat, l'arrêt attaqué retient que, si l'obligation à un tel secret, établie par l'article 226-13 du code pénal, s'impose aux avocats comme un devoir de leur fonction, la seule qualité d'avocat n'est pas pour autant de nature à assurer l'impunité d'un mandataire lorsqu'il est recherché pour ses fautes personnelles, quand bien même celles-ci seraient en relation avec les fautes reprochées à certains de ses clients ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la chambre d'accusation a répondu aux chefs péremptoires de la requête et du mémoire déposé devant elle, sans méconnaître aucun des textes visés au moyen ;

D'où il suit que celui-ci ne saurait être accueilli ;

 

Sur le second moyen de cassation proposé par Monsieur Jean-Jacques A... et Monsieur Louis D... pris d'excès de pouvoir, violation des articles 81, alinéa 9, 82-1, 156, alinéa 2, 167, alinéa 4, 170 et suivants notamment 175 et 186-1 du code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense et des articles 567 et 593 du même code, défaut de motifs et manque de base légale :

« en ce que l'arrêt attaqué a rejeté tous les moyens de nullité soulevés, constaté la régularité de la procédure et ordonné le retour de celle-ci au magistrat instructeur ;

aux motifs que, sur le grief de nullité de l'ordonnance rendue par le président de la chambre d'accusation le 22 mars 1995, le législateur n'a pas prévu que la motivation de l'ordonnance par laquelle le président de la chambre d'accusation, estimant qu'il n'y a lieu de saisir la chambre, renvoie le dossier au juge d'instruction, doive répondre à des exigences de forme ou de contenu particulières, la distinguant notamment de l'ordonnance du juge d'instruction ; que l'adoption des motifs de l'ordonnance du magistrat instructeur frappée d'appel en particulier, comme en l'espèce, lorsque celle-ci et bien motivée suffit à justifier la décision rendue dans la mesure où le recours ne s'appuie sur aucun élément nouveau autre que ceux déjà rejetés par les motifs de l'ordonnance critiquée ; qu'ainsi le grief de l'absence de motivation n'apparaît pas justifié ; que les demandes d'expertise formées par les conseils de Monsieur Jean-Jacques A... et Monsieur Louis D... avaient déjà été présentées hors et délai sous formes de demandes de contre-expertise à la suite de la notification des résultats de l'expertise effectuée par Monsieur Michel BRUYAS ; qu'elles étaient irrecevables dans le cadre de l'article 175, alinéa 2, du code de procédure pénale qui ne prévoit que la possibilité de demander une expertise et non une contre-expertise au terme de l'information ; qu'ainsi il n'apparaît pas que la décision de ne pas saisir la chambre d'accusation ait pu porter atteinte aux droits de la défense des personnes mises en examen ; qu'il convient en conséquence de rejeter la demande d'annulation de l'acte susvisé ;

alors, d'une part, que l'exigence de motivation de l'ordonnance par laquelle le président de la chambre d'accusation dit n'y avoir lieu de saisir la chambre de l'appel d'une ordonnance de refus d'acte d'instruction, posée par l'article 186-1 du code de procédure pénale, n'est pas satisfaite lorsque le président de la chambre d'accusation se borne purement et simplement à se référer à la motivation de l'ordonnance dont appel ;

alors, d'autre part, que la demande en désignation d'un nouvel expert pour examiner des pièces que le précédent expert n'a pas examinées et ne pouvait examiner tend à voir ordonner une nouvelle expertise et non une contre-expertise ; qu'en l'espèce, l'expert Monsieur Michel BRUYAS n'ayant pu examiner l'ensemble des documents qui avaient été transmis par la société WHIP à la société LYONNAISE DES EAUX et n'ayant pu, en conséquence, se prononcer sur la réalité des prestations effectuées par celle-là pour le compte de celle-ci, Monsieur Louis D... et Monsieur Jean-Jacques A... demandaient la désignation d'un nouvel expert pour déterminer la réalité de ces prestations au vu des pièces détenues par la société LYONNAISE DES EAUX ; qu'en rejetant la demande d'annulation de l'ordonnance du président de la chambre d'accusation disant n'y avoir lieu à appel de l'ordonnance du juge d'instruction ayant écarté cette demande d'expertise complémentaire au motif erroné qu'il s'agissait d'une demande de contre-expertise, la chambre d'accusation a violé les textes susvisés, ensemble les droits de la défense ;

alors, en outre, que la chambre d'accusation devait rechercher si l'expertise complémentaire sollicitée dans le cadre de l'article 175, alinéa 2 du code de procédure pénale était utile à la manifestation de la vérité ; qu'en s'en abstenant, au seul motif au demeurant erroné, que le refus d'ordonner cette expertise n'avait pas porté atteinte aux droits de la défense, elle a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ; »

 

Sur le troisième moyen de cassation de Monsieur Jean-Louis Y... pris de la violation des articles 81 alinéa 9, 170 à 175, 186-1, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

« en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler l'ordonnance rendue le 17 mars 1995 par le président de la chambre d'accusation ;

aux motifs que le législateur n'a pas prévu que la motivation de l'ordonnance par laquelle le président de la chambre d'accusation, estimant qu'il n'y a pas lieu de saisir la chambre, renvoie le dossier au juge d'instruction, doive répondre à des exigences de forme ou de contenu particulières, la distinguant notamment de l'ordonnance du juge d'instruction ; que l'adoption des motifs de l'ordonnance du magistrat instructeur frappée d'appel en particulier, comme en l'espèce, lorsque celle-ci est bien motivée suffit à justifier la décision rendue dans la mesure où le recours ne s'appuie sur aucun élément nouveau autre que ceux déjà rejetés par les motifs de l'ordonnance critiquée ; qu'ainsi le grief de l'absence de motivation n'apparaît pas justifié (arrêt p. 41) ;

  1. alors que pour dalors que pour décider s'il y a lieu ou non de saisir la chambre d'accusation de l'appel dirigé contre une ordonnance du juge d'instruction, le président de la chambre d'accusation ne tient des dispositions de l'article 186-1 du code de procédure pénale que le seul pouvoir d'apprécier la recevabilité de ce recours, sans être habilité à juger de son bien-fondé ; que, dès lors, en estimant qu'aux termes de son ordonnance du 17 mars 1995, le président de la chambre d'accusation avait pu se référer à la motivation de l'ordonnance frappée d'appel, pour refuser de saisir la chambre d'accusation du recours dirigé contre cette dernière, l'arrêt attaqué a violé les textes susvisé
  2. alors, subsidiairement, que toute motivation par voie de simple ralors, subsidiairement, que toute motivation par voie de simple référence à une décision antérieure caractérise une absence de motifs ; qu'en l'espèce, il est constant que pour refuser, aux termes d'une ordonnance du 17 mars 1995, de saisir la chambre d'accusation d'un appel dirigé contre une ordonnance du juge d'instruction, le président de la chambre d'accusation s'est borné à énoncer que cette décision était pertinemment et complètement motivée ; que, dès lors, en refusant d'annuler cette décision du 17 mars 1995, qui était dépourvue de toute motivation, la chambre d'accusation a violé les textes susvisé »

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour refuser d'annuler les ordonnances du président de la chambre d'accusation décidant n'y avoir lieu de saisir cette juridiction des appels formés par Monsieur Jean-Louis Y..., Monsieur Jean-Jacques A... et Monsieur Louis D... contre des décisions du juge d'instruction repoussant leurs demandes de confrontation ou contre-expertise, la chambre d'accusation relève que si l'article 186-1 du code de procédure pénale prévoit en de telles hypothèses que la décision négative du président, bien qu'insusceptible de voies de recours, doit être motivée, le législateur n'exige pas que celle-ci réponde à des exigences de forme ou de contenu particulières, excluant une adoption de motifs ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations l'arrêt attaqué n'encourt pas la censure ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

 

 

La cour :

Rejette les pourvois.

 

 

Monsieur LE GUNEHEC président, Monsieur CULIÉ rapporteur, Monsieur PERFETTI avocat général, la SCP WAQUET, FARGE et HAZAN, la SCP NICOLAY et de LANOUVELLE, Monsieur COSTA, la SCP MASSE-DESSEN, GEORGES et THOUVENIN, avocats.